Jean-François Copé : "La nation se fissure en silence"
renouveler
le thème de l'identité nationale
Jean-François Copé
(...) le premier défi, celui qui sera le plus structurant, c'est la question de l'identité française. La nation se fissure en silence parce qu'il n'y a pas de discours sur l'identité. Ce thème, tel qu'il avait été traité en 2007, doit être profondément renouvelé et retravaillé.
Parce que le FN pourrait se le réapproprier ?
Il s'en est nourri, car, depuis vingt ou trente ans, nous avons
commis collectivement l'erreur de ne pas expliquer ce que cela veut
dire être français aujourd'hui. On a eu peur. On a nié l'évolution
sociologique de notre population, sur le plan de sa composition, de ses
origines, de ses pratiques religieuses, de ses modes de vie. Pendant ce
temps, la société française a continué à bouger et à se développer sans
repères.
La population issue de l'immigration de la seconde moitié du XXe siècle,
qui en est maintenant à sa troisième génération, n'a toujours pas reçu
les codes d'accès. Cela a conduit à un malentendu croissant au sein
d'une population composée de gens qui sont tous français mais qui,
parce qu'ils n'ont pas eu les repères nécessaires, ne se parlent pas,
ne s'écoutent pas, ne se respectent pas. L'insuffisance du dialogue
interreligieux en est un exemple.
Il existe depuis 2007 un ministère de l'intégration et de l'identité nationale. Il a échoué ?
C'est l'échec de trente années de politiques en ce domaine.
Comment réussir l'intégration ?
Il faut que l'on positive le fait d'être une population aussi
diverse que l'est devenue la nôtre, qu'on le vive comme une chance. Que
l'on arrête de vouloir faire croire à nos enfants que nos ancêtres
étaient tous des Gaulois. Ce qui compte, c'est que chaque Français,
quelles que soient sa date d'arrivée en France, son origine ou sa
religion, a de la valeur et apporte ce qu'il a de mieux pour notre
pays. Un exemple : au lycée, on peut choisir en option de très
nombreuses langues, mais il est quasi impossible d'apprendre l'arabe,
alors que cela pourrait être un fantastique atout économique. Résultat,
ce sont des intégristes dans des caves qui s'en chargent.
Pourquoi réclamez-vous une loi sur le port de la burqa ?
La burqa, ce sont des intégristes qui veulent tester la République.
Si on ne fait rien, on va laisser se banaliser un phénomène qui est
contraire à nos principes. La réflexion sur l'identité française est
indissociable de celle sur la place des femmes dans la société. Avec
mes collègues députés, nous prendrons dans les semaines qui viennent
des initiatives fortes sur ce sujet, notamment pour favoriser leur
promotion dans le monde économique. Notre discours doit être adossé sur
deux mots : humanité et rassemblement. Nicolas Sarkozy a une formule
pour caractériser les Français : "Ils sont monarchistes et régicides."
Il a raison, mais c'est une lecture de la société qui se réfère à 1793.
Depuis, il y a eu des vagues d'immigration, et je ne suis pas sûr que
1793 reste pour les Français la référence. (...)
Le Monde, 17 octobre 2009
_____________________________________________________
commentaire
On approuvera le constat d'une nation qui se fissure, la défaillance (mais pas l'échec total, loin de là...) dans la remise aux immigrés des "codes d'accès", la nécessité d'inculquer des "repères nécessaires". Mais la phrase qui "positive le fait d'être une population aussi
diverse" est ambiguë. Et semble inscrire en acquis ce qui était, plus haut, évoqué comme manque... La diversité n'est pas, en soi, positive. Cela dépend de la dynamique entre intégration/assimilation et diversité.
Michel Renard