"citoyen du monde", cela ne veut rien dire
le pathos de l'identité "internationale"
Michel Renard
- texte de Taous sur le site du NPA (Besancenot) :
Je souhaite juste apporter mon ressenti quand à cette idée électoraliste, teintée de
xénophobie, qu'est le débat sur l'identité nationale.
La seule identité est pour moi l'espèce humaine.
Je suis née, sous le joug de l'occupation française, sur les
hauteurs d'Alger... J'ai grandi auprès d'un père qui chantait la
Marseillaise pour ne pas s'endormir au volant en sillonnant les routes
de l'Algérie, la Tunisie, le Maroc.
J'ai foulé pour la première fois la France alors que je
n'étais qu'une adolescente boutonneuse. Une petite escale de quelques
jours pour rejoindre la Suisse.
Le hasard d'un itinéraire de vie sinueux à fait que je me
retrouve habitant Nancy en France alors que mes boutons venaient juste
de sécher...
Il y a de cela déjà 27 ans.
J'ai 3 enfants (il et elles ont une carte d'identité française).
Malgré mes engagements citoyens, je n'ai pas opté pour la
nationalité française, et si je pouvais être déchue de ma nationalité
d'origine, j'en serais ravie.
Je ne me reconnais point dans cette notion de nationalité.
Je hais les drapeaux, identitaires par essence.
J’exècre cette formule "Je suis fière d'être...".
Le matin en écoutant la radio, je me sens palestinienne.
Au travail, je me sens ouvrière, comme tous les ouvriers et les ouvrières du monde entier...
Le soir, en sirotant mon verre de vin accompagné d'un roquefort, je suis française.
Et avant d'aller au lit, en lisant Hermann Hesse, Virginia
Woolf, Sophocle, Frida Kahlo... je me rends compte que je suis
allemande, anglaise, grecque, mexicaine...
Quand j'ai des insomnies, j'écoute Souad Massi, Buena
Vista Social Club, Tinariwen, Calexico...Je suis Algérienne, cubaine,
malienne, américaine...
Alors mon identité c’est tout cela et pas que ça , et tout ce que ne je ne peux citer car ça serait trop long...
Mon identité est tout ce qui me reste encore à remplir
dans la besace de ma vie comme richesse que je découvrirai aux côtés et
avec les autres.
Alors la réduire à une histoire, un drapeau, un hymne, un "sang"...Je ne peux pas comprendre ni même y adhérer.
Mon identité elle est de toutes les couleurs, de toutes
les formes des nuages, de toutes les tailles des étoiles, de tous les
expressions des sourires, de toutes les traces de larmes, de toutes les
différences de teintes des couchers de soleil, de tous les océans...
Mon identité est INTERNATIONALE.
Taous
_________________________________________
discussion menée sur Facebook à partir du texte de Taous
Ydriss Foretz aime ça.
Bulent Acar
à méditer :)
à 19:37
Michel Renard
- ahhh oui... à méditer... mais dans quel sens...?
à 19:51
Michel Renard
- Ydriss, tu approuves vraiment ce texte...?
à 20:06
Ydriss Foretz
J'adhère
complètement à ses principes non-identitaires ! On est avant tout
citoyen du monde... Seule la culture peut être une "entrave" à ce
concept d'unité du genre humain... (Kant). Pour ma part, j'estime que
faire l'amalgame entre identité nationale et culture revient à réfuter
le côté positif de l'espèce humaine capable de développer et
d'entretenir des moeurs parfois fascinantes (bien sûr ce n'est pas une
vérité absolue)... C'est comme confondre la pierre et l'édifice...
Après, pourquoi ne pas cultiver un mythe du terrien, une identité planétaire ?
à 20:09
Michel Renard
-
je vais te répondre Ydriss... mais alors, il faut que tu m'envoies une
critique cinglante de mon livre, parce que ce je ne pense pas du tout
comme Taous...!
à 21:21
Michel Renard
- Ydriss, mon ancien élève, mon ami :
1) tu adhères à ces principes non-identitaires mais tu te revendiques d'une identité planétaire… alors identité ou pas identité ?
2) "citoyen du monde", cela n'existe pas : aucune citoyenneté mondiale ne s'est jamais affirmée ; la citoyenneté reste liée au monde des cités grecques (Antiquité) ou aux cadres nationaux à l'époque contemporaine de la démocratie : la citoyenneté n'existe aujourd'hui que parce qu'il y a des nations.
3) le concept de genre humain n'est pas une culture. Kant commence par critiquer tout Absolu et par établir la radicale finitude humaine (par rapport au temps et à l'espace) ; "toute conscience est conscience de quelque chose" (Husserl, cité par Luc Ferry dans le sillage kantien). Une culture n'existe que parce qu'elle trouve face à elle une autre culture qui la limite et la définit. L'idée d'une culture mondiale, c'est la fin de la culture.
4) tu as
raison, le "terrien" est un mythe ; il n'existe que des hommes
"enracinés et solides, fermement plantés dans leur terre" (^^) donc
dans des cultures nationales qui sont les seules voies d'accès à
l'universalité des cultures.
à 21:24
Bulent Acar
L'homme doit se remettre en question à tout instant, donc chaque idée,
chaque opinion est bonne à méditer. Ici Taous à une manière un peu
utopique de voir. Beaucoup de personnes ne peuvent se détacher de la
culture de leur parents, de l'identité nationale qu'il
représente... L'homme a besoin de s'associer à un groupe. Et ce groupe
pour certains dans "l'exil" ou à "l'étranger", c'est l'origine, la
nationalité. Après oui, quand nous nous sentons libre et détaché de
toute ces notions de nationalités, pourquoi pas cultiver un mythe du
terrien, c'est intéressant.
à 21:27
Michel Renard
- Bulent, à propos du texte de Taous :
1)
le sentiment de solidarité internationaliste ne fait pas une identité
internationaliste qui, par définition, n'existe pas ; et ce genre de
proclamation me semble un peu gratuite... on peut dire qu'on est
"camarade" avec les ouvriers de Soweto, mais quant à vivre comme eux ou
avec eux...!! il y a de la marge...
2) "la seule identité est
l'espèce humaine"… cela ne veut rien dire du tout… chacun sait qu'il
existe des identités, nationales ou autres ; la négation de ces
réalités culturelles et symboliques c'est la marche vers l'uniformité
des nouveaux esclaves robotisés de la mondialisation.
3)
Et pourquoi cette Taous se sent-elle palestinienne ? plus
qu'israélienne… ? si elle est "internationale" comme elle le prétend…
Les Israéliens ne font-ils pas partie de l'internationale du genre
humain…?
4) Lire des romans d'auteurs étrangers ne fait pas
d'elle un élément de la patrie de ces écrivains ; d'ailleurs c'est une
langue précise – en l'occurrence le français – qui lui donne accès à
cette culture universelle ; il n'y a d'accès à l'universel que
particulier.
Il en va de même de la musique. J'adore et j'ai écouté
pendant des années de la musique arabe, algérienne, kabyle : je n'en
suis pour autant ni arabe, ni algérien, ni kabyle…
Tout cela est un pathos de bons sentiments d'une mièvrerie effarante…
à 21:30
Bulent Acar
Monsieur, vous avez raison sur les 4 points que vous avez développés.
Mas
je pense qu'il faut essayer de comprendre Taous. Pourquoi s'exprime
t-elle ainsi ? Peut être que finalement la position qu'elle adopte ici
sera la solution de toutes les formes de nationalismes. On sent dans
ces propos un ras-le-bol, et dans le monde auquel on vit on peut
consentir son ras-le-bol. Je vais être hs peut être, mais regardez.
L'européen accepte que le roumain du coin vive une vie de misérable et
ça chez lui, il a accepter de voir des milliers de personnes et surtout
d'enfants mourir de faim. Aujourd'hui, pour des intérêts quelconque, on
accepte, on crée la guerre là où on peut tirer du bénéfice. Franchement
parfois ça donne envie de tout casser.
Et en tant que jeunes,
on doit faire l'effort nécessaire pour changer le cours des choses.
Peut être que Taous s'est mal exprimer, mais dans le message on peut y
voir de la paix et de l'amour. Ce qu'il nous manque cruellement pour se
lever et dire enfin STOP à la réalité de notre vieux monde égoïste.
J'espère que je me suis fait comprendre.
à 22:04
Michel Renard
- oui, je te comprends Bulent.
Peut-être qu'un jour Taous aura-t-elle raison... j'espère de ne pas appartenir alors à un tel monde...
Mais Taous nage en pleine contradictions.
Elle
dit "haïr" les drapeaux mais brandit le drapeau rouge dans les
manifestations. Elle dit "exécrer" la formule "fière d'être" mais se
sent fière d'être révolutionnaire internationaliste. Elle ne veut pas
réduire son identité à un hymne, mais elle chante l'Internationale.
Taous
ne fait que décliner un vieux refrain, celui d'un révolutionnarisme qui
ferait fi des réalités culturelles du monde en les rabattant sur des
formes d'aliénation liées au monde capitaliste... C'est d'un
dogmatisme...!
Le trotsko-marxisme n'a jamais rien compris à la densité
culturelle de l'histoire, aux enracinements anthropologiques et
symboliques qui ne doivent rien au capitalisme mais à la complexité de
la vie sociale qui ne se réduit pas aux "rapports de classe" ni au
déterminisme économique...
Alors,
son discours n'est qu'une posture, une auto-intoxication à laquelle, au
fond d'elle-même, je suis sûr qu'elle ne se conforme pas.
à 22:34