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identité nationale

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19 mai 2009

"à toutes les gloires de la nation" (Michel Renard)

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exposition "La guerre sans dentelles"




quelle relecture ?

à propos de l'exposition "La guerre sans dentelles"

Michel RENARD

L'idée de cette exposition est le principe du "pendant photographique". On interroge le tableau par l'apposition d'une image qui entretient avec lui un rapport de similarité. Exemple, l'entrée d'Henri IV à Paris en 1594 et celle de De Gaulle dans cette même ville en août 1944.

Ou un rapport d'analogie comme celui qui existe entre la prise de Valenciennes par Louis XIV et la sortie des tranchées au cours de la Première Guerre mondiale : la poussée des mousquetaires dans un cas, la charge des fantassins dans l'autre.

Ou encore un rapport thématique (?) comme le parallèle entre la bataille de Friedland (1807) où l'on présente à Napoléon des prisonniers russes, un canon pris à l'adversaire et le cadavre d'un officier ennemi, et cette célèbre photo d'enfants vietnamiens courant devant des soldats américains ou sud-vietnamiens après un bombardement au napalm (8 juin 1972) : dans les eux cas, on voit une espèce d'indifférence face à la douleur Napoléon regarde ailleurs et les Gi's ne se préoccupent absolument pas des enfants.

Parvient-on, pour autant, à "interroger notre histoire et ses représentations et à se poser la question du rapport entre l’événement et l’image médiatique", comme l'ambitionnent les concepteurs de cette exposition...?

Au risque de paraître simpliste, je rappellerai ceci. L'image médiatique, tableau ou photo, doit d'abord être interrogée au regard du double événement constitué par le fait de référence (moment et circonstances historiques du sujet représenté) et le(s) fait(s) de contexte (moment de la réalisation de l'oeuvre, et moment de son usage politico-muséographique). Trois focales chronologiques en quelque sorte. Ce questionnement est la première source de "lecture" des images.

une intelligibilité encore possible ?

C'est un travail de ce genre que Joël Cornette propose aux lecteurs de son ouvrage Le roi de guerre (1993), particulièrement dans ses chapitres "Versailles, temple du roi de guerre" et "la guerre-spectacle de Louis le Grand". Le programme iconographique de la galerie des Glaces devait représenter les campagnes militaires des guerres de Dévolution et de Hollande, écrit Joël Cornette. Et Colbert recommanda de "n'y rien faire entrer qui ne fust conforme à la vérité" (p. 241)

Sous Louis-Philippe, qui fut le créateur politique de la galerie des Batailles, la relation entre l'oeuvre imaginée par l'artiste et la réalité factuelle peut être assumée explicitement par l'auteur du tableau. On sait, par exemple, que le peintre Horace Vernet refusa d'exécuter un épisode dont la réalité historique n'était pas prouvée (la présence physique du Roi lors de l'entrée dans la place-forte de Valenciennes en 1677). La charge artistique échut à Jean Alaux qui accepta de peindre la Prise de Valenciennes.

"Porter un regard plus attentif" sur les tableaux de la galerie des Batailles exigerait que le factuel auquel ils renvoient soit un minimum connu. Mais la dévaluation de l'histoire positiviste, l'anathème lancé contre le continuum chronologique, l'opprobre jetée sur l'identité nationale interdisent toute intelligibilité de ces toiles. On ne les regarde (?) plus que comme les témoins d'un imaginaire national - ce qu'elles sont aussi - en négligeant la part de réalité historique qu'elles évoquent.

Michel Renard

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relire la "galerie des Batailles"

de Versailles

au Château de Versailles
Galerie des Batailles
du 12 mai au 6 septembre 2009

Versailles_galerie_bataillesDans le cadre d’une remise en perspective du Musée de l’Histoire de France et de sa réouverture au public, l’exposition La guerre sans dentelles, présentée dans la galerie des Batailles du 12 mai au 7 septembre 2009, confronte peintures et photographies sur le thème de l’image de guerre. Des clichés emblématiques de la photographie de guerre et du photojournalisme prises dans le monde entier seront confrontés aux 33 scènes de batailles de la galerie. Cette confrontation invitera le visiteur à mener une véritable réflexion sur la force et le statut de l’image. Existe-t-il une «vérité» photographique ? Comment l’image devient-elle symbole et icône ? Les reconstitutions filmiques de la peinture sont-elles plus trompeuses que nos reportages actuels ? Ceux-ci sont-ils plus objectifs ?

La galerie des Batailles, installée sur toute la longueur du premier étage de l’aile du Midi, est aménagée par Louis-Philippe en 1837 lorsqu’il crée à Versailles un musée consacré «à toutes les gloires de la France». Véritable construction d’une identité nationale en images, les 33 tableaux qui couvrent ses murs, commandés aux artistes les plus célèbres de l’époque, parmi lesquels saint Louis à la Bataille de Taillebourg par Eugène Delacroix, l’Entrée d’Henri IV à Paris par François Gérard, la Bataille de Fontenoy par Horace Vernet, retracent les épisodes les plus significatifs de l’histoire militaire française, de ses victoires.

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Bataille de Bouvines, 27 juillet 1214

De Tolbiac (496) à Wagram (1809), ce parcours en images illustre les plus grands noms du passé français mais aussi européen : Clovis, Charlemagne, Saint-Louis, François Ier, Henri IV, Louis XIV, Napoléon, et au milieu de tous ces personnages, l’aide apportée à l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique.

La galerie des Batailles montre comment une série de sacrifices et de faits de gloire ont resserré le lien national. Les murs sont d’ailleurs ornés des listes de chefs morts au combat. La guerre était un moyen à l’époque de souder l’ensemble de la société dans un projet politique commun.

Cette histoire de France est très datée et on peut se demander comment elle est perçue par un public du XXIe siècle, de surcroît largement international. Mais, ces collections demeurent un élément important de notre imaginaire collectif. On retrouve cette vision irréaliste dans de nombreuses imageries populaires, les illustrations des livres de classe, les bandes dessinées ou encore les films.

Chaque peinture reçoit, durant l’exposition, son pendant photographique, complémentaire ou en opposition. Le but est d’inciter le visiteur à s’interroger et à porter un regard beaucoup plus attentif, à enquêter (en famille, en classe, en couple…) visuellement sur l’image. Le regard croisé entre les clichés et les toiles donne lieu à une lecture dynamique et inédite de l’un et l’autre des supports et de l’histoire elle-même. L’exposition tisse un dialogue original autour d’axes thématiques, de points de rencontres, et ainsi amène le public à une prise de conscience nouvelle de ce qu’il regarde.

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Les clichés présentés en regard des toiles marquent à la fois des temps forts de l’histoire mondiale depuis le XIXe siècle et de l’histoire de la photographie de guerre. Faisant se côtoyer des vues célèbres et d’autres inconnues, à chaque fois un agrandissement «fait image» face à la peinture géante et, en vitrine, est présentée un des premiers modes de perception de cette photographie, tirage d’époque, parution dans un journal, carte postale, circulation sur le Net…

Les photographies retenues balaient les XIXe, XXe et XXIe siècles, du cliché le plus ancien (une Vue de la Bataille de Gettysburg par Timothy O’Sullivan datée de 1863 pendant la guerre de Sécession américaine, venue spécialement du musée George Eastman à Rochester aux Etats-Unis), au plus récent, pris en République Centrafricaine par Frédéric Sautereau et publié dans Le Monde 2 le 10 mars 2007.

À la diversité des époques, des lieux et des supports (Vu, Life, Paris-Match…mais aussi la bande dessinée avec Le Photographe sur l’Afghanistan) s’ajoutent la diversité des signatures – anonymes, artistes ou grands noms du photojournalisme comme Robert Capa, Marc Riboud, Henri Cartier-Bresson, Don Mc Cullin, etc.

Voilà l’occasion pour tous les publics de venir «relire» ces peintures de bataille, tout en découvrant des aspects de l’histoire mondiale du photoreportage. Voilà l’occasion d’inciter à regarder autrement, à interroger notre histoire et ses représentations et à se poser la question du rapport entre l’événement et l’image médiatique.

source

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La Bataille d'Iéna, gagnée contre les Prussiens par l'empereur Napoléon
le 14 octobre 1806 ; elle lui ouvrit la route de Berlin

 

Commissaire de l'exposition
Laurent Gervereau,
historien et historien d’art, président de l’Institut des images

Catalogue de l'exposition
La Guerre sans dentelles
165 x 225 mm, broché à rabats, 128 pages, 81 illustrations
prix : 25 €
Coédition Éditions du château de Versailles/Skira-Flammarion

9782081227590FS

Informations pratiques
L’exposition sera ouverte tous les jours, sauf le lundi, de 9h à 18h30.
Tarifs : 15 € (visite du Château + exposition)
Tarif réduit : 13,50 €

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17 mai 2009

«la légitimité démocratique doit d'abord exister en tant que légitimité nationale»

quebec

 

Bock-Côté contre les fossoyeurs

de la nation

Louis CORNELLIER (Québec)

 

bockLe jeune homme, doctorant en sociologie, préparait son coup depuis quelques années. On le voyait, l'entendait et le lisait de plus en plus souvent, sur différentes tribunes, savantes ou populaires, toujours à s'insurger contre un certain progressisme identitaire, contre le virage civique du nationalisme québécois sur la défensive. Intellectuel hyperactif se réclamant de la tradition conservatrice, au sens philosophique du terme, Mathieu Bock-Côté, notamment dans les pages de L'Action nationale, critiquait sans relâche les élites souverainistes qui avaient peur de leur ombre nationale.


refaire du souverainisme un nationalisme et du nationalisme un souverainisme

L'essai qu'il nous offre, aujourd'hui, relève du coup d'éclat. Brillant, intense et puissamment polémique, La Dénationalisation tranquille, en effet, est un ouvrage qui fera date dans l'histoire du débat sur la question nationale. Virulente charge menée contre un souverainisme dénationalisé et multiculturel, il se veut une invitation pressante à «refaire du souverainisme un nationalisme et du nationalisme un souverainisme».

Depuis 1995, écrit Bock-Côté, «les élites souverainistes sont devenues sensibles à la moindre accusation d'ethnocentrisme dans la définition du "nous" national». En 1996, la direction du PQ refusait de restaurer la Charte de la langue française et qualifiait de «radicaux» ses membres qui plaidaient dans le sens contraire. En 1999, le Bloc québécois rejetait la notion des deux peuples fondateurs, trop ethnique, culturelle et historique à son goût.

En 2000, les élites souverainistes participaient à la condamnation nationale d'un des leurs, Yves Michaud, pour des propos «au sujet du vote référendaire des minorités ethniques». L'heure était venue, écrivait l'intellectuel Claude Bariteau dans cette logique, d'en finir avec «l'orientation culturelle du projet souverainiste afin de faire election_quebecdisparaître les derniers irritants qu'elle véhicule eu égard à une conception civique du Québec de demain».

Mais comment, dans ces conditions, justifier la lutte souverainiste, ainsi coupée de sa mémoire et de son histoire nationale ? Le Canada ne constitue-t-il pas déjà une telle nation civique ? À cette critique, explique Bock-Côté, les élites souverainistes ont répondu par un nouvel argumentaire à saveur sociale et idéologique.

L'identité québécoise, ont-elles affirmé, repose sur des valeurs progressistes. En ce sens, «la cohabitation des deux nations n'est plus possible, l'identité nationale progressiste des Québécois entrant en contradiction avec l'identité nationale conservatrice du Canada anglais». Ce souverainisme dénationalisé, remarque Bock-Côté, «aura mis la table du souverainisme marginalisé». Plus encore, il prépare une dépression collective pour la communauté franco-québécoise en la vidant de tout projet.

Comme l'écrit Régis Debray, «pas de projet sans patrimoine commun, et pas de patrimoine commun sans volonté commune». C'est dire, précise Bock-Côté, que «la légitimité démocratique est insuffisante en elle-même et doit d'abord exister en tant que légitimité nationale». Tout projet politique, en d'autres termes, suit la reconnaissance d'une communauté nationale de mémoire et de culture qui lui donne sa cohésion. «Il faut aux hommes, écrit l'essayiste, la conviction d'appartenir à une communauté d'histoire qui leur survivra pour consentir à la décision majoritaire lorsqu'ils n'y souscrivent pas et reconnaître au-delà des divisions sociales un bien commun, un intérêt public [...].»

Autrement dit, on ne fait pas une société sur du vide historique et culturel. Sans le relais partagé de la nation, la société se délite dans une sorte de guerre civile de basse intensité, selon les mots du penseur conservateur John O'Sullivan.

 

le paradoxe de Gérard Bouchard

Comment, cela étant, créer de la cohésion sociale dans une société pluraliste comme le Québec d'aujourd'hui? C'est là le projet auquel s'est attelé Gérard Bouchard, il y a quelques années, c'est-à-dire, selon Bock-Côté, «préserver la possibilité d'une histoire nationale malgré l'apparition de la société des identités qui cherche à se mettre en récit». Pour ce faire, l'historien a suggéré une sorte de déconstruction de l'histoire nationale canonique visant à la décentrer par rapport à l'héritage canadien-français. Il s'agissait d'«ouvrir le cercle de la nation» pour y faire entrer ceux que la tradition avait laissés en marge. Cette réécriture de l'histoire du Québec, commente Bock-Côté, exigeait de «se trouver coupables de crimes contre l'altérité dans les pratiques de construction de la nation telles qu'on peut les retracer au long de l'histoire».

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Le problème de cette démarche, explique l'essayiste, est qu'elle acquiesce à un multiculturalisme qui n'est pas tant la reconnaissance d'un fait qu'une machine de guerre idéologique, une sorte de marxisme recyclé dans le champ culturel, visant à terrasser la nation, perçue comme la cause de toutes les injustices. «L'histoire nationale et le pluralisme identitaire sont antithétiques, écrit Bock-Côté. L'historien qui endosse ce programme ne peut plus prétendre travailler à remodeler la conscience historique de son peuple, parce qu'il rejette alors l'idée nationale dans son principe même [...]. Une société dispersée n'est plus une nation, même si certains acrobates de l'esprit cherchent à tenir en équilibre deux notions faites pour entrer en conflit.» Bock-Côté emploie donc le vocabulaire bouchardien et qualifie l'historien de «penseur fragmentaire, équivoque».

Il sera encore plus sévère à l'endroit de Jocelyn Létourneau qui, selon lui, veut «penser le Québec après le nationalisme», dans une perspective non nationale, sous prétexte que «les historiens nationalistes auraient créé un imaginaire de l'échec». Les Québécois, écrit Bock-Côté, résistent à cette disqualification historiographique du fait national et ils ont raison. «Il est bien possible, ajoute-t-il, que le communautarisme franco-québécois soit moins plastique que ne le prétendent les ingénieurs identitaires.» La vérité, en cette matière, a ses droits, mais, pour parler comme Dumont, elle ne peut négliger le critère de la pertinence, et «la pertinence québécoise est une pertinence nationaliste» qui perçoit l'histoire «comme une vaste entreprise de reprise en main collective».

 

penser à l'abri du pluralisme

C'est ce qu'ont compris, selon Bock-Côté, des auteurs comme Pierre Duchesne, Pierre Godin, Jean-François Lisée et Normand Lester, dont les récents travaux s'inscrivent dans la tradition de l'interprétation nationaliste de notre histoire. «Une histoire biographique, précise l'essayiste, qui donne son importance aux hommes, une histoire centrée sur la question nationale, qui y voit le premier drame du récit québécois, une histoire politique, repérable à la surface du social.» Contrairement à nos historiens universitaires, ces journalistes n'auraient pas perdu la mémoire et n'hésiteraient pas, en s'inspirant de Maurice Séguin, à «penser à l'abri du pluralisme» en renouant avec le désir d'achèvement des Franco-Québécois.

Élégant styliste et penseur supérieurement intelligent, Bock-Côté, qui n'a pas 30 ans, signe ici un essai important et roboratif qui va mettre le feu aux poudres. En faisant l'impasse sur le pluralisme identitaire - il le congédie au nom «d'un gaullisme à la québécoise, existentiel et intellectuel» - et en jouant le sens commun populaire contre les élites, il s'expose en effet à une volée de bois vert. Il est capable d'en prendre.

Le Devoir, 6 et 7 octobre 2007
source

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16 mai 2009

«le Québec n'est pas une page blanche» (Mathieu Bock-Côté)

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nationalisme québécois

le Québec n'est pas une page blanche

La Dénationalisation tranquille
Mathieu Bock-Côté. Éditions du Boréal, 2007, 216 pages. 22,95 $

présentation de l'éditeur

Depuis quelques années, on a dit de l’identité québécoise qu’elle s’est métamorphosée, qu’elle n’est plus héritière du parcours historique de la majorité francophone. Partout résonne un discours plaidant, au nom du multiculturalisme et d’une ouverture à l’autre, pour le dépassement de la mémoire nationale comme espace de rassemblement de la société québécoise.

Pourtant, de nombreux indices, dont la controverse entourant les accommodements raisonnables, laissent croire que les Québécois sont encore attachés à une définition historique et existentielle de leur identité nationale.

Dans La Dénationalisation tranquille, Mathieu Bock-Côté analyse la diffusion d’une mauvaise conscience qui aura convaincu la pensée québécoise de se redéfinir en dehors des raisons fortes qui l’avaient traditionnellement alimentée. À travers l’étude des acteurs politiques et des historiens qui ont contribué à forger la culture politique postréférendaire, en particulier Jocelyn Létourneau et Gérard Bouchard, il cherche à voir comment cette tentative de transformation de l’identité nationale aura été menée et comment elle se sera soldée, selon lui, par un échec.

Cette étude en forme d’essai permettra de mieux comprendre la culture politique postréférendaire, tout en ouvrant la réflexion sur une reconstruction de la conscience collective qui permettra au Québec de retrouver le sens de sa continuité nationale.

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15 mai 2009

la conversion forcée du Québec au multiculturalisme

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l’école : laboratoire d'un endoctrinement

Mathieu BOCK-CÔTÉ (Québec)

S’il fallait un aveu, il est là. Dans son témoignage au procès portant sur le droit d’exemption au cours "Éthique et culture religieuse" (ECR), Gérard Bouchard, un des principaux théoriciens du multiculturalisme québécois, a reconnu que la principale fonction de ce cours était d’assurer la reconstruction identitaire de la société québécoise sur le modèle du multiculturalisme. Cette déclaration a la vertu de dévoiler la véritable mission du cours ECR et de l’inscrire au cœur du débat public : la conversion forcée du Québec au multiculturalisme.

finalités politiques

Mais Gérard Bouchard [ci-contre] allait encore plus loin dans son témoignage : «la crise des accommodements 70933raisonnables n'aurait jamais éclaté si le cours était donné depuis longtemps dans les écoles québécoises». Il ne faisait en cela que confirmer ce qu’avait écrit Georges Leroux dans sa plaquette de 2007 : «on doit […] concevoir une éducation où les droits qui légitiment la décision de la Cour suprême [à propos de l’affaire du kirpan], tout autant que la culture religieuse qui en exprime la requête, sont compris de tous et font partie de leur conception de la vie en commun. Car ces droits sont la base de notre démocratie, et l’enjeu actuel est d’en faire le fondement d’une éthique sociale fondée sur la reconnaissance et la mutualité. C’est à cette tâche qu’est appelé le nouveau programme d’éthique et de culture religieuse». Ces deux déclarations dévoilent bien ce que plusieurs ont désigné ailleurs comme les «finalités politiques» du cours ECR.

Finalités politiques. La formule témoigne bien du rôle de l’école qui, selon les théoriciens du multiculturalisme, loin de transmettre une culture historiquement définie et des connaissances sous le signe du savoir, doit plutôt servir de laboratoire pour réaliser l’utopie progressiste d’une société dénationalisée. Cette mise de l’école au service du multiculturalisme en dit long sur la représentation que se font de l’identité québécoise les élites intellectuelles et technocratiques qui composent le parti multiculturaliste.

Car ces dernières le constatent : les Québécois n’adhèrent pas à la religion multiculturelle et désirent plutôt en renverser les dogmes en restaurant la prédominance légitime de la culture nationale comme cadre d’intégration des immigrants.

Mais le refus de dissoudre la culture nationale dans le bazar du cosmopolitisme mondialisé est assimilé à une pathologie identitaire que Bouchard et Taylor ont d’ailleurs cherché à diagnostiquer dans le rapport de leur commission en plaidant pour la création d’une nouvelle identité collective qui ne trouverait plus sa matière dans le Québec historique mais bien dans les chartes de droits et les valeurs qui les porteraient. Pour les défenseurs du cours ECR, la démocratie ne s’accomplirait véritablement que dans les paramètres du multiculturalisme d’État.

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fabriquer un nouveau peuple ?

Il y a pourtant un problème démocratique à vouloir fabriquer un nouveau peuple, à défaut de convaincre celui qui existe déjà. Car ce n’est pas à l’école mais bien au débat public qu’il devrait revenir de changer la société et la première n’est aucunement autorisée à accoucher de ce que le peuple refuse par le second.

Chose certaine, il n’est plus possible de dire, comme le soutiennent les propagandistes du ministère, que le cours ECR n’a pour seule fonction que d’approfondir la connaissance du fait religieux. Bien au contraire, il l’instrumentalise pour le traduire dans les termes d’un endoctrinement idéologique. Il faut se souvenir que Richard Martineau avait rapporté, et il ne fut pas le seul à le faire, qu’un exercice pédagogique proposé dans le cadre du cours ECR consistait à dessiner un nouveau drapeau pour le Québec pour en enlever les symboles «discriminatoires». La consultation des manuels scolaires aura aussi confirmé le délire idéologique que couve ce programme.

Nos élites ont beau parler d’ouverture à l’autre, il faut surtout y reconnaître, malgré la novlangue managériale, le vocabulaire de la pénitence, de la repentance, et de l’oblitération de l’identité nationale. Le cours ECR est exemplaire du retournement des institutions collectives contre l’identité nationale.

révoquer ce programme

La crise des accommodements raisonnables a témoigné du profond enracinement de l’identité québécoise et du refus de son recyclage dans une nouvelle synthèse où elle ne serait plus qu’un communautarisme parmi d’autres. On reconnaîtra dans le cours ECR la contre-offensive de la technocratie pluraliste pour déconstruire dans ses fondements mêmes l’expérience historique québécoise et implanter définitivement le multiculturalisme d’État.

On le sait, il y a plusieurs résistances contre ce programme. Mais ceux qui réclament un droit d’exemption font fausse route tant leur demande se contente d’exiger un «accommodement raisonnable» pour les familles les plus religieuses au sein du système d’éducation. Car il ne s’agit pas de jouer la charte des droits contre le chartisme et de retourner la logique des accommodements raisonnables contre le multiculturalisme.

L’objectif devrait être la révocation de ce programme devenu exemplaire de l’idéologisation du système scolaire québécois. L’abolition du cours ECR devrait être au cœur de toute politique centrée sur le démantèlement des structures institutionnelles du multiculturalisme québécois.

Mathieu BOCK-CÔTÉ (Québec)


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Il y a au Québec trois emblèmes officiels :
le bouleau jaune, l'iris versicolore et le harfang des neiges




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qui est Mathieu Bock-Côté ?

Bock-Côté : citoyen polémiste

Antoine Robitaille

Le Devoir, vendredi 21 septembre 2007

Gérard Bouchard doit résoudre une crise qu'il a contribué à créer, dit le sociologue

 

Mathieu Bock-Côté
photo : Pedro Ruiz

Il y aurait un grand paradoxe avec la Commission sur les accommodements raisonnables : un de ses coprésidents, Gérard Bouchard, est appelé à résoudre une crise qu'il a, au fond, contribué à créer. C'est du moins ce que croit fermement le sociologue Mathieu Bock-Côté, jeune polémiste hyperactif - né l'année du premier référendum -, qui publie cette semaine La Dénationalisation tranquille (Boréal), un premier essai attendu.

Au dire de Mathieu Bock-Côté, Gérard Bouchard est le chef de file d'une cohorte d'intellectuels «politiquement corrects» et coupables, depuis 1995 - l'année de la fameuse phrase de Jacques Parizeau [1] -, d'avoir vidé le nationalisme québécois de sa substance, «criminalisé» tout sentiment majoritaire des Québécois et déconstruit l'esprit national. Rien de moins.

implanter de force une nouvelle identité québécoise

Cette intelligentsia craignait tellement d'être associée à la déclaration honnie («sociologiquement vraie mais politiquement maladroite», note Bock-Côté) de Parizeau qu'elle a enfoncé le bouchon le plus loin possible.

À l'autre extrême, celui de la «dénationalisation». L'histoire, l'«expérience historique» francophone, le «nous», la «survivance», les ancêtres et même la défense de la langue française: tout cela et bien d'autres choses évoquant les racines et les souches ont été décrétés suspects de contamination «ethnique».

Le concept de «majorité francophone» ? Infréquentable. «Vous vous souvenez, dit Mathieu Bock-Côté, c'était l'époque où on assimila le nationalisme historique à un nationalisme "ethnique" fermé sur les autres, auquel on a tout de suite opposé le nationalisme "civique", seul compatible avec l'exigence démocratique

Une époque - de 1996 à 2003 - «un peu folle», marquée par ces querelles des anciens et des postmodernes que furent notamment l'affaire Michaud et la liquidation, par le Bloc québécois, de la notion des «deux peuples fondateurs». Et ce n'est pas tout, poursuit l'inarrêtable Bock-Côté : les intellectuels, au premier chef Gérard Bouchard, ont tenté depuis une décennie «d'implanter de force une nouvelle identité québécoise fabriquée par eux». Le seul et unique socle en était les chartes des droits.

Les Cahiers du 27 juin (revue nommée ainsi en référence au 27 juin 1975, date à laquelle la Charte québécoise des droits et libertés de la personne fut adoptée) sont une publication qu'aime bien critiquer Mathieu Bock-Côté.

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À l'ère postréférendaire, la nation devait au plus vite devenir une pure affaire de procédures. Selon les plus zélés, c'est la nation, carrément, qui devait disparaître de notre vocabulaire. «Pourquoi ne pas parler de société ?», a déjà dit l'historien Jocelyn Létourneau, auquel Bock-Côté consacre un chapitre critique de son essai. Le vieux monde, issu de la Grande Noirceur, suspect de «fermeture, de xénophobie et de haine de l'autre», devait être rejeté au plus vite avant qu'il ne fasse d'autres dommages. Il fallait reprogrammer le patriotisme pour le rendre strictement constitutionnel, «Jürgen Habermas l'avait dit», raille Bock-Côté.

Les cercles intellectuels, ces mondes si perméables aux modes et où la vertu se porte «à la boutonnière», ont rapidement fait consensus : «Tous les intellectuels du Québec sont d'accord, le peuple québécois ne peut que se rallier», a même lancé un jour sans rire un de ces philosophes de l'identité, se souvient Mathieu Bock-Côté en rigolant. «Ça me fait penser à la phrase de Brecht : "Ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ?"».

le tournant du 26 mars [1977]

Or, le 26 mars dernier, le peuple a refusé d'être réformé ou dissous, se réjouit le sociologue. «Il a refusé le rôle qu'on lui assignait dans le grand laboratoire cosmopolite à ciel ouvert pour ingénieurs sociaux maladroits qu'était devenu le Québec», dit Bock-Côté.

En propulsant l'ADQ au rang d'opposition officielle, ce peuple a rappelé qu'il ne voulait pas nécessairement de la nouvelle identité québécoise abstraite et désincarnée, nettoyée civiquement par les «élites pluralistes». «Une identité, ce n'est pas le résultat d'une série de colloques mais le fruit d'une expérience historique !», tonne-t-il.

L'ADQ, à la faveur du débat sur les accommodements raisonnables, «s'était réapproprié le thème de la défense de l'identité québécoise». À partir de ce moment, le Parti québécois a dû prendre conscience qu'en «dissociant le projet souverainiste de la défense de l'identité québécoise», il est passé bien près de la disparition.

Ses réflexes hérités de la «mauvaise conscience» de 1995 étaient si bien intégrés, dit le sociologue, que tout ce que son «chef dénationalisé» André Boisclair a réussi à dire pendant la controverse sur les accommodements raisonnables, c'est ceci : «Confiance, nous avons des chartes.» Selon Mathieu Bock-Côté, depuis des années, le PQ se refusait de voir les signaux d'alarme :  la controverse sur le kirpan, celle sur le programme d'histoire. «Ce parti ne semblait pas vouloir de l'électorat qu'il avait

dépossédé sur le plan identitaire depuis 1995

Mathieu Bock-Côté - qui revendique l'étiquette de «conservateur» et aime pester contre le «progressisme» - remercie l'ADQ d'avoir «fait sauter le loquet qui interdisait le débat public» sur la question de l'identité. Il loue Mario Dumont d'avoir fait le choix d'un «nationalisme majoritaire plutôt conservateur» qui rejoignait le peuple, «dépossédé sur le plan identitaire» depuis 1995.

Notamment lorsqu'il a écrit que les Québécois «se sont battus avec trop d'acharnement à porter [leur] langue et [leur] identité à travers les siècles sur ce continent pour que tout cela s'estompe bêtement au fil d'un déclin démographique».

II y a un hic, toutefois : l'ADQ a beau «avoir de bons instincts», note Bock-Côté, elle ne semble pas être capable de les traduire «en vision à moyen et à long terme». Cet admirateur de Charles de Gaulle perçoit en ce parti une «petitesse provinciale déplorable». S'il est prompt à condamner le souverainisme sans identité du PQ de l'époque Boisclair et du Bloc de Duceppe (où il a déjà milité), il souligne que «l'identité sans la souveraineté», comme à l'ADQ, produit une forme de «régionalisme incapable de penser le Québec dans ses aspects institutionnels». Les laudateurs exaltés de «Montréal-pluri-multi-centre-du-monde» l'énervent.

Mais ce nouveau et atypique résidant du Plateau - fier natif du 450, plus précisément de Lorraine - déplore la tentation adéquiste de ne pas «vraiment penser l'intégration des immigrants» en se disant, selon une «mentalité de bourgade», que «la vraie identité québécoise se trouve à Saint-Hyacinthe et pas à Montréal». Le risque, c'est «d'abandonner la métropole à son sort» en ne cherchant même plus à la «réintégrer dans l'espace national».

bock

Mathieu Bock-Côté, qui a déjà travaillé dans l'entourage de Bernard Landry, a bien apprécié le grand retour du «nous» chez Pauline Marois. «Elle met le doigt sur la bonne chose. Mais va-t-elle le dire, le redire, l'assumer et l'incarner ?» En plus, ce changement de discours correspond à l'intérêt électoral du PQ, dont la tâche, après des années de dénationalisation, consiste à convaincre de nouveau les Québécois qu'il veut défendre leur identité.

Deux questions, enfin. La majorité a des droits, certes, mais ne peut-elle pas devenir tyrannique, comme Tocqueville nous en avait avertis ? «Il fut un temps où on pouvait parler ainsi de manière sensée, mais j'ai l'impression aujourd'hui qu'il y a une espèce d'hyperbole autour de cette question», répond le doctorant. Cela nous porterait à oublier que les «minorités peuvent l'être aussi [tyranniques]», ajoute-t-il. «On donne spontanément tort à la majorité de nos jours, il suffit de lire les textes de la commission Bouchard-Taylor. Il y a un soupçon qui traîne toujours autour des majorités. On veut les déconstruire, les démanteler, les désenclaver. On veut se mettre à l'abri de la souveraineté populaire», fulmine-t-il.

Et le racisme ? L'antiracisme est sans doute excessif parfois, mais cela signifie-t-il que le racisme ait disparu? Certes, «il y en a dans les marges», reconnaît Bock-Côté. «Mais est-ce qu'on est pour autant une société ayant un problème majeur de racisme ? Non. Je refuse cette vision qui consiste à catégoriser sous le signe du racisme toute forme de critique du multiculturalisme

***

- La Dénationalisation tranquille, Mathieu Bock-Côté, éditions du Boréal, 211 pages

source : Le Devoir (Québec)


[1] «C'est vrai, c'est vrai qu'on a été battus, au fond, par quoi ? Par l'argent puis des votes ethniques, essentiellement. Alors, ça veut dire que, la prochaine fois, au lieu d'être 60 ou 61 % à voter « Oui », on sera 63 ou 64 % et ça suffira» (Jacques Parizeau, discours du 30 octobre 1995).


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4 mai 2009

l'identité nationale du cinéma

1952
jusqu'en 2001, Cannes fut appelé sur les affiches
"Festival international du film"




le cinéma, reflet d'une identité nationale


Géraldine Véron (Le journal du CNRS) : Pourquoi le premier festival du monde est-il une extraordinaire vitrine des cultures, des valeurs ou des idées venues des quatre coins de la planète ?
Monique Dagnaud : Le cinéma reflète presque toujours une culture, une identité nationale ou régionale. Lorsque l'on regarde un film, et même sans le son, on retrouve une signature très identitaire. Y compris si le fanfan_tulipecasting ou l'équipe technique sont internationaux. En peu de temps, le spectateur est capable d'identifier la nationalité du film.
Car le plus souvent, ce dernier dénote un regard, une esthétique qui portent l'empreinte d'un contexte socio-géographique ; il exprime une société particulière. Les décors, la manière de filmer, le jeu des acteurs, le rythme sont des indicateurs très précieux. Le cinéma social anglais, par exemple, est reconnaissable par ses mises en scène d'univers déstructurés ou par ses acteurs qui ont toujours l'air de gens ordinaires. Des cas plus extrêmes existent également, tel que le cinéma de Bollywood, fortement marqué par le «Bollywood masala» : un mélange de danses, de musiques, de chants…
(...)

source

Monique Dagnaud, directrice de recherche CNRS à l'Institut Marcel Mauss (CNRS/EHESS) à Paris

Monique_Dagnaud


voir aussi

Vous assurez que le cinéma reflète presque toujours une culture, une identité nationale. Et permet une véritable affirmation nationale. Comment cela se manifeste-t-il ?

Monique Dagnaud - L'exemple le plus évident, c'est l'Inde. C'est un pays immensément cinéphile. Avec plus de 1 000 films par an, c'est le plus prolifique. Ce phénomène est ancien et très lié à la culture de l'Inde. Dès les années 30, le pays produisait déjà plus de 400 films. Le public, de son côté, reconnaissait dans les images animées un spectacle venant du bouddhisme et de la religion tantrique. De plus, les Anglais ont poussé les Indiens à développer leur industrie cinématographique, pour écarter l'influence du cinéma américain.

En Union soviétique, Eisenstein a représenté une certaine vision de l'histoire de son pays. En France, cette vision est plus ethnographique, identitaire. Elle reflète les passions, les préoccupations des individus. Le cinéma chinois est en pleine expansion. Il parle des problèmes de la société chinoise, comme par exemple la question de l'émigration des paysans vers la ville, mais conserve aussi une vision épique.

Sud-Ouest.com, 17 mai 2009
source

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1953


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Le salaire de la peur, Grand Prix 1953

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Orfeu Negro, Palme d'Or 1959

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Quand passent les cigognes, Palme d'Or 1958

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La loi du seigneur, Palme d'or 1957

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Deux sous d'espoir, Grand Prix 1952

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liens


- Cinéma et littérature au Brésil - Les mythes du Sertao : émergence d'une identité nationale, Sylvie Debs

- Cinéma turc fin de siècle : le primat de l'identité nationale, Nicolas Monceau

- Cinéma et identité nationale, colloque Toulouse-le Mirail, 2004

- Le doux pays de mon enfance, avec Daniel Russo

- Du "national" appliqué au cinéma, Marie Tortajada (histoire du cinéma suisse)

- Deleuze, cinéma et identité nationale (cr lecture sur David Martin-Jones)

- Italiani. Immagini et identità : Racconti tra cinema e storia

- Le cinéma : constitutif potentiel de l'identité nationale ? (Suisse)

- Cinéma hollywoodien : pourquoi fait-il l'étudier ? Franck Bousquet

- La mélancolie du nom. Cinéma et identité nationale, Serge Cardinal (1997)

- Le cinéma comme élément de l'identité nationale, Festival de Lagos (Nigeria, 2003)

- Le cinéma fait partie de l'identité nationale française (académie de Nice)
 

sertao

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3 mai 2009

Serge Ravanel (1920-2009)

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Serge Ravanel : un immortel exemple

Jean-Pierre Chevènement

Serge Ravanel nous a quittés. "Il est mort en combattant", m'a confié sa femme, c'est-à-dire comme il avait vécu.

Entré en Résistance à l’âge de 22 ans, il n’avait jamais reculé devant les risques les plus fous, comme chef national des groupes francs. Le colonel Ravanel restera comme le libérateur de Toulouse en août 1944.

Ce qui frappait le plus chez Serge Ravanel c’était pourtant son caractère réfléchi, sa recherche constante de la meilleure solution. Je revois son beau visage, son regard à la fois profond et vif, j’entends son élocution posée, développant la méthode qui lui paraissait la plus appropriée : bref il montrait la meilleur des qualités qu’on prête aux polytechniciens.

Je l’ai vu appliquer toute son intelligence méthodique à la solution des problèmes de la recherche et de l’industrie françaises, quand il m’a fait l’honneur d’être à mon cabinet de 1981 à 1983. J’imagine très bien qu’il appliquait au combat les mêmes qualités. Les risques fous qu’il a pris ne l’étaient pas autant qu’ils le paraissaient : ils procédaient toujours, j’en suis sûr, d’une analyse complète et raisonnée des situations.

Serge Ravanel était viscéralement un patriote. C’est cela qui le motivait fondamentalement. J’ajoute qu’il ne séparait pas le patriotisme de la recherche d’un progrès collectif partagé. Il aimait la justice et la France d’un même élan.

Adieu, Serge. Nous perdons avec toi un grand Français et un grand Citoyen. Mais que dis-je ?

Nous ne te perdons pas, car tu restes, pour tous ceux qui t’ont connu, un immortel exemple de vertu républicaine.

Jean-Pierre Chevènement
source (30 avril 2009)

- dossier de La Dépèche de Toulouse sur Serge Ravanel


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Serge Ravanel (à gauche) et Raymond Aubrac

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17 septembre 1944,
au stade Chapou à Toulouse


Serge Ravanel, l'une des dernières

grandes figures de la Résistance

Décédé lundi [27 avril 2009] à 88 ans, le Compagnon de la Libération Serge Ravanel, l'une des dernières grandes figures de la Résistance, après en avoir été le plus jeune colonel, n'avait jamais cessé de témoigner de l'actualité des valeurs de la Résistance.

AFP - le 27 avril 2009, 18h55

Ce proche des époux Aubrac avait fait évader Raymond Aubrac en 1943 à Lyon où il avait été libéré cinq mois plus tôt par Lucie Aubrac qui disait toujours de lui : "Serge Ravanel, c'est mon petit frère".

L'oeil bleu pétillant, d'une mémoire méticuleuse, il pouvait raconter sans faillir la genèse du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) où cohabitèrent résistants de droite et de gauche.

Resté très curieux de l'actualité politique, cet homme de gauche confiait "avoir été très déçu" par la dernière élection présidentielle.

Né le 12 mai 1920 à Paris, Serge Ravanel entre en septembre 1939 à l'École Polytechnique avant d'être affecté en juin 1940 dans un chantier de jeunesse en Savoie puis de retourner à l'X, alors repliée à Lyon.

En avril 1941, il rejoint la Résistance, termine ses études en juin 1942 et entre au mouvement Libération-Sud. Arrêté une première fois le 5 novembre 1942 à Marseille par la police française et évadé le lendemain, il est à nouveau arrêté le 15 mars 1943 à Lyon par la police française. Interné à la prison Saint-Paul, il réussi à se faire transférer à l'hôpital de l'Antiquaille en simulant une maladie, puis délivré avec deux de ses camarades, par une action des groupes-francs de Libération-Sud le 24 mai 1943, montée par Lucie Aubrac.

À l'hiver 1942-1943, Combat, Libération-sud et Franc-Tireur fusionnent sous le nom de Mouvements unis de Résistance (MUR). Il est alors nommé chef national des groupes francs (GF, commandos de sabotage) et prend le pseudonyme de Ravanel.

Arrêté une troisième fois le 19 octobre 1943 par la police militaire allemande, lors d'une réunion dans l'Ain, Serge Ravanel s'échappe en sautant par une fenêtre puis plonge de nuit dans l'Ain.

Deux jours plus tard, ses groupes francs libèrent Raymond Aubrac en attaquant en pleine ville de Lyon la fourgonnette de la Gestapo qui le transportait.

Le 1er avril 1944, il entre à l'état-major des Corps francs de la libération (CFL) et rejoint Toulouse où il devient chef régional des CFL.

Le 6 juin 1944, Serge Ravanel, nommé chef régional de l'ensemble des Forces françaises de l'Intérieur (FFI) de la région, soit quelque 20.000 hommes, est promu à 24 ans colonel. Il dirige alors la libération de la région toulousaine du 17 au 24 août 1944.

Le 16 septembre, sur la place du Capitole, il attend "plein de confiance" le général de Gaulle qui passe ses troupes en revue. Le chef de la France Libre lui reproche vertement le manque de tenue de ses FFI. Serge Ravanel répètera souvent qu'il avait toujours regretté ce "jugement cinglant et injuste".

Serge Ravanel quittera l'armée en 1950 pour embrasser une carrière d'ingénieur d'électronique, créant plusieurs entreprises. De 1981 à 1983, il avait appartenu au cabinet de Jean-Pierre Chevènement (Recherche et Technologie).

Auteur de L'esprit de Résistance (Seuil, 1995), puis des Valeurs de la Résistance (Privat 2004), un livre d'entretiens avec le journalistes Henri Weill, il avait présidé l'Association des études sur la Résistance intérieure (AERI).

Serge Ravanel rappelait sans relâche les valeurs de la Résistance : "honneur, don de soi, sens de l'intérêt général, refus du racisme".

Il était grand officier de la Légion d'honneur, Croix de guerre avec palme et décoré de la Bronze Star Medal américaine.

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Témoignage de Pierre Bénech, ancien Résistant aux côtés de Ravanel

C'est avec lui

que nous sommes passés à l'offensive

«C'est réellement avec Ravanel que nous sommes passés de la phase statique au stade opérationnel et offensif», se souvient Pierre Bénech. Et celui qui, sur ordre de Jean-Pierre Vernant, avait infiltré la Milice de Toulouse, et reste aujourd'hui le seul survivant du cercle rapproché des chefs de la Résistance, se rappelle de l'arrivée de Ravanel à Toulouse : «c'était le 6 avril 1944. Pendant l'hiver, nous avions perdu notre chef incontesté, François Verdier, assassiné par les nazis le 27 janvier en forêt de Bouconne. Il y avait un flottement sur le plan militaire et Ravanel, qui était le patron national des Corps francs, venait à nous pour nous proposer un nouveau chef. Il se trouve que nous n'en voulions pas. La réunion clandestine qui se déroulait rue de l'Etoile, près du Monument aux morts, a donc failli tourner court. Alors, redoutant la désunion, Ravanel, s'est proposé lui même. Et, bizarrement, tout le monde a accepté».

Pourquoi une telle unanimité ? : «Son charisme avait impressionné, son ton était calme et assuré. Et chacun avait reconnu que cet homme était de ceux à qui on obéit sans qu'ils aient besoin de donner des ordres», explique Pierre Bénech. C'est pendant les semaines qui ont suivi où «Ravanel avait sa planque à Blagnac, près du pont», que les talents d'organisateur du polytechnicien se sont affirmés.

«Il s'entendait à merveille avec Jean-Pierre Vernant, c'étaient là deux hommes exceptionnels de qualités intellectuelles et humaines», conclut Pierre Bénech en soulignant aussi le courage de ses chefs : «le 19 août, en pleins combats, l'état-major clandestin s'est réuni au 21 de la rue d'Orléans, au cœur de Toulouse». Pierre Bénech a une bonne raison de s'en souvenir : c'était lui, qui, avec deux autres résistants armés jusqu'aux dents, assuraient, sur le trottoir, la sécurité de la réunion.

La Dépèche de Toulouse, 28 avril 2009, source

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28 avril 2009

débat Daniel Lefeuvre / Marcel Détienne

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l'identité nationale est-elle un mythe ?


- émission du 15 janvier 2009 sur France Culture

- écouter l'émission (dailymotion)

- écouter l'émission (attendre quelques secondes la fin du bulletin d'information)


transcription d'une partie des interventions

Marcel Détienne
Tout historien sait que la France s’est faite avec une série de ce qu’elle appelle pudiquement des “rattachements”. La Lorraine a été rattachée, la Savoie a été rattachée, la Provence a été rattachée. Tout a été rattaché. (…)
Pour moi, parler des racines chrétiennes de l’Europe, c’est vraiment… Nous sommes dans les lieux communs. Est-ce qu’on va apprendre à un maghrébin qu’il a des racines chrétiennes parce que la France en a décidé ainsi ? Quand même ! Où sommes-nous ? En France, il y a 5 millions de musulmans !  Comment vont-ils se reconnaître dans ce genre de truc ? Et tout ceux qui viennent de l ‘Afrique, et qui sont Français, qu’est-ce qu’ils ont à faire de cela ? Si on ne diversifie pas, si on ne complexifie pas l’histoire de France, alors nous sommes morts.

(…) Sans l’immigration, la France ne serait rien. Elle est faite d’immigrés ! Nous sommes tous des immigrés. C’est très important de comprendre ça… La France est faite d’apports multiples. Comme toutes les nations d’Europe. Il est important d’ouvrir l’histoire de l’Europe non pas sur ses racines chrétiennes mais sur la complexité dans laquelle elle s’est faite. Notre richesse c’est ça : une multiplicité de cultures…

Quand ça devient une identité nationale comme celle qui brille au firmament du régime de Sarkozy, et qui est fondée sur rapatrier, renvoyer chez eux tous ces gens qui sont des immigrés, c’est évidemment odieux. C’est odieux à mes yeux. Et c’est odieux quand je vois ces historiens qui nous parlent d’une fracture de l’identité historique, et de la nécessité d’un réarmement moral que l’histoire apporterait. Je n’accepte pas ça. Pour moi, ça sent Vichy. A plein nez ! Ca sent le Vichy qui envoyait… Oui, on peut renvoyer un maghrébin ! C’est pas un juif… Il ne sera pas brûlé, il sera simplement renvoyé, expulsé chez lui, “il a rien a foutre ici” ! Et donc ce ministère qui fonctionne est à mes yeux odieux. On veut faire un cours d’identité nationale ! Qu’est-ce que ça va être ?

Pas d’héritage sans examen critique. On ne peut pas hériter comme ça, ah non ! On a trop hérité. Enfin… qu’est ce que c’est… ? Hériter de quoi ? (écouter le mépris dans la voix). Parce qu’on est né là, dans ce trou là ? Et qu’on a le droit d’être un héritier, qui se prend pour un grand Français, avec toute l’histoire de France derrière lui . Aaah, pas question ! Non !

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Daniel Lefeuvre
La France est une construction historique. La France est une donnée historique, elle s’est construite, et elle est ancienne. La France, c’est quelque chose qui existe et que l’on trouve soit à notre naissance, soit à notre arrivée, dans un espace qui est un territoire, une géographie, avec des paysages, avec des odeurs, avec des coutumes, avec des cultures, avec une langue, et dont les racines plongent dans le Moyen-Age.
On a donc une nation qui s’est constituée historiquement par des rattachements, mais une France qui a déjà une personnalité qui va bien au delà de l’ile-de-France, dès le Moyen-Age. (D. Lefeuvre cite des exemples)

La plupart des historiens français ont justement travaillé sur cette réalité qu’est l’identité nationale, le sentiment national. Les médiévistes montrent l’ancienneté de ce sentiment national, sa profondeur et que ce n’est pas un sentiment d’appartenance seulement dynastique mais bien un sentiment d’appartenance à une patrie, à une nation. (exemple Philippe Auguste)

On est d’abord tous, au fond, des Français héritiers de l’histoire de France. Aujourd’hui, on conteste l’identité nationale. Certains qui la contestent en même temps se réclament du mouvement anti-colonial. Mais sur quoi les mouvement d’indépendance se sont-ils fondés, si ce n’est sur l’identité nationale ? Sur quoi le FLN a-t-il fondé sa légitimité historique, sinon pour dire qu’il y a un peuple algérien, une langue, une nation et une religion ? Il y a donc bien eu un récit national, une identité nationale…

Et alors c’est extraordinaire, il y a d’un coté ce qui serait légitime quand il s’agit des anciens territoires colonisés, dont on aurait au fond écrasé l’identité nationale, et qui l’auraient libéré grâce aux indépendances. Donc, toutes les identités nationales sont justifiées, il y en a UNE qui n’aurait pas droit de cité, c’est l’identité française. Ca pose quand même un problème !

source de la transcription

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Saint-Malo

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24 avril 2009

symboles identitaires

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les symboles "identitaires" vont être

ravivés en France



Par Reuters, publié le 21/04/2009 à 17:33 - mis à jour le 21/04/2009 à 18:02

PARIS - Enseignement de la Marseillaise aux immigrés, incitation au respect du drapeau et éducation civique pour étrangers : le gouvernement français entend adopter bientôt un programme d'action pour promouvoir le "patriotisme".

Le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale Éric Besson a laissé entrevoir mardi des mesures en ce sens qui seront prises sans doute en juillet prochain, lors d'un comité interministériel à l'intégration.

"Le patriotisme n'est pas ringard (..) Un hymne, un drapeau, un symbole portent en eux le sacrifice de ceux qui ont rêvé la liberté", a-t-il dit à la presse après avoir reçu les propositions du Haut conseil à l'intégration.

À six semaines des élections européennes du 7 juin, le gouvernement reprend ainsi le sujet de l'identité nationale, un des thèmes favoris de Nicolas Sarkozy lorsqu'il était au ministère de l'Intérieur ou candidat à l'Elysée.

Cette démarche vise pour l'opposition à rallier l'électorat de l'extrême-droite puisqu'elle suggère selon elle que l'immigration est en soi problématique.

L'initiative coïncide avec la relance par le chef de l'État d'un autre thème clé de son discours, la sécurité, lors d'un déplacement à Nice mardi.

Eric Besson, ancien socialiste rallié au pouvoir et nommé en janvier à ce ministère à l'intitulé contesté, s'est dit favorable à la mesure symbolique forte d'un enseignement de la Marseillaise aux nouveaux arrivants.

"À titre personnel et sans engager à ce stade le gouvernement, je pense que ce serait une bonne chose. Comprendre ce que sont les paroles de cet hymne, vous savez comme moi que ça ne va pas de soi", a-t-il dit.

Il juge nécessaire de clarifier des phrases telles que celle qui appelle "un sang impur" à "abreuver les sillons" du pays : il s'agit de fustiger symboliquement les ennemis de la République, souligne le ministre.

"Je pense qu'il faut faire preuve de pédagogie et d'explications, est-ce que ça doit être obligatoire, suggéré ? Il y a un espace pour en parler", a dit Eric Besson.

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SIFFLETS DE LA MARSEILLAISE

Ce thème a été relancé après l'épisode des sifflets qui ont accueilli la Marseillaise au Stade de France lors d'un match de football France-Tunisie en octobre dernier.

La droite avait vu dans l'épisode la preuve que les jeunes Français nés de parents maghrébins méprisaient les symboles de la République. Gauche et sociologues avaient plutôt estimé qu'ils manifestaient un certain sentiment d'exclusion.

Les spécialistes du football avaient souligné de leur côté qu'une telle attitude était un jeu fréquent dans les stades.

Le Haut conseil à l'intégration n'avance pas de propositions coercitives et il est notamment sceptique sur l'éventualité de "tests" imposés aux candidats à l'immigration dans les pays d'origine sur le français et les valeurs républicaines.

Le Haut conseil juge nécessaire une formation préalable et Eric Besson assure qu'il n'est pas question d'en faire un préalable à l'autorisation d'entrée.

La proposition formulée à ce sujet est de "profiter du temps d'attente au consulat pour diffuser un film sur les valeurs de la République".

Il est aussi question d'imposer une formation civique aux nouveaux arrivants, avec délivrance d'un certificat, le tout intégré dans un "Contrat d'accueil et d'intégration" rénové par de nouveaux outils de formation. Cette procédure prévoyant un enseignement obligatoire est aujourd'hui systématique.

Le Haut conseil suggère aussi de cibler l'action sur les écoles, en y rendant plus visibles drapeaux et symboles, mais surtout en favorisant la création de classes d'accueil pour les mineurs immigrés, et l'invitation plus régulière de leurs parents dans l'enceinte des établissements.

source


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20 avril 2009

"leurre" et artifice de pensée chez Esther Benbassa

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tout le monde sait que l'identité de la France est une construction,
cela ne lui en donne pas moins une réalité et une certaine homogénéité



"leurre" et artifice de pensée :

l'identité nationale chez Esther Benbassa

Michel RENARD

Esther Benbassa n'aime pas les républicains "orthodoxes" - en réalité les républicains tout court. Elle fait l'éloge de la France "multiculturelle". Et tire à boulets rouges sur "l'identité nationale". Esther Benbassa écrit donc souvent dans Le Monde.

Comme ce 17 avril 2009 dans un article dont je retiens ceci : "L'«identité nationale» n'est qu'un leurre, puisque l'identité de la France est plurielle. Aucun musée de l'histoire de France et aucun ministère de l'identité nationale n'y pourront rien." (source)

La France "plurielle" comme la "diversité", sont des formules employées à tort et à travers. Et qui dispensent de toute réflexion rigoureuse. On le voit ici. Car enfin, que l'identité nationale soit "singulière" ou "plurielle", elle n'en reste pas moins une identité...! Par quel artifice de pensée peut-on qualifier de "leurre" l'identité d'un pays au motif de son hétérogénéité postulée ? Par quel vice de raisonnement une diversité de cultures à l'intérieur d'un même pays interdirait-elle une identité nationale qui le définit cependant comme différent d'autres pays ?


qu'est-ce qu'un pays multiculturel ?

Que l'identité française soit le résultat d'un processus historique où interviennent des ingrédients divers, est un pont aux ânes. Tout le monde sait cela. Qu'il faille en inférer que notre pays soit multiculturel, ce n'est pas sûr. Qu'on nous dise d'abord ce qu'est un pays monoculturel et à partir de quand il devient multiculturel. On y verra plus clair ensuite.

Ne serait-ce pas avant tout une question d'échelle ? L'usage croissant de langues autres que la langue nationale, dans le milieu familial ou dans le cadre d'activités culturelles ou religieuses, ne suffit pas à dire qu'une population est multiculturelle. Parce que l'idiome qui rassemble est la langue française, véritable système culturel.

L'observance plus nombreuse de l'islam en France ne rend pas la société multiculturelle. Pourquoi ? Parce que les musulmans de France sont, pour l'essentiel, de culture française (je ne parle pas des organisations musulmanes plus ou moins fondamentalistes ou islamistes qui dominent, il est vrai, le panorama militant). Si la langue rituelle des musulmans de France est l'arabe, la langue de l'intelligibilité de l'islam est la langue française. C'est bien cela qui agace profondément les islamistes, d'où les stratégies de disqualification de l'école à partir de la guerre du voile.

La francité qui permet de parler d'identité nationale n'épuise pas le stock de références identitaires mineures (pas au sens qualitatif de ce terme, mais au sens quantitatif). L'attachement aux traditions régionales, qui étaient autant de sous-cultures, dans la France des deux derniers siècles, n'a jamais fait parler de multiculturalité. Tout simplement parce qu'il existe un sentiment d'identité nationale qui subsume le tout.

Michel Renard

- voir le débat dans Le Monde : cliquer ici

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Esther Benbassa, directrice d'études
à l'École pratique des hautes études (EPHE)


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4 avril 2009

références des citations

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références des citations du livre

Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?



Identit__nationale_couv_d_fLes caractéristiques éditoriales de la collection dans laquelle est publié le livre Faut-il avoir honte de l'identité nationale ? ne permettaient pas d'inclure en notes infrapaginales les références des nombreuses citations que compte l'ouvrage. C'est une concession difficile à admettre pour la rigueur historienne. Mais nous n'avions pas le choix. Nous avons donc seulement indiqué, en règle générale, le titre et la date de l'oeuvre citée.

Pour compenser cette carence, nous commençons ci-dessous la publication des références précises des citations. Comme les citations ne sont pas numérotées dans le livre, nous les identifions par la page où elles sont mentionnées et en recopiant leur texte. Il nous faudra un peu de temps pour être complet...

Daniel Lefeuvre - Michel Renard



p. 5
c'est la "droite qui, depuis un siècle, a toujours privilégié le national contre une gauche rassemblée autour du social"
- Gérard Noiriel, À quoi sert «l'identité nationale», Agone, 2007, p. 107.

p. 7
Jules Michelet : "J'aime la France parce qu'elle est la France, et aussi parce que c'est le pays de ceux que j'aime et que j'ai aimés" (Le Peuple, 1846).

p. 8-9
"Une nation ne peut être qu'au prix de se chercher elle-même sans fin, de se transformer dans le sens de son évolution logique, de s'opposer à autrui sans défaillance, de s'identifier au meilleur, à l'essentiel de soi, conséquemment de se reconnaître au vu d'images de marque, de mots de passe connus des initiés (que ceux-ci soient une élite, ou la masse entière du pays, ce qui n'est pas toujours le cas). Se reconnaître à mille tests, croyances, discours, alibis, vaste inconscient sans rivages, obscures confluences, idéologies, mythes, fantasmes… En outre, toute identité nationale implique forcément, une certaine unité nationale, elle en est comme le reflet, la transposition, la condition" (L'identité de la France, espace et histoire, 1986, 17).

p. 10-11
Qui, parmi ces protestataires, désavoue la définition du peuple algérien que donnaient les Oulémas au lendemain de l’indépendance de l’Algérie : "Nous avons besoin de faire distinguer la personnalité de l’Algérie et de l’édifier à nouveau (…) Nous sommes Algériens et cela veut dire que nous sommes un peuple ayant une personnalité propre. Cette personnalité apparaît dans sa religion, dans sa langue, dans ses mœurs, dans sa tradition, enfin dans son histoire" (21 août 1962) [réf. à retrouver].

p. 11
l’affirmation du sociologue algérien Abdel Malek Sayad, qui soutenait que "l’intégrité de notre être, la cohérence de notre système de relations avec nous-mêmes, c’est-à-dire avec nos semblables ou nos homologues" exige de "renouer les fils de l’histoire, restaurer la continuité de cette histoire" algérienne qui aurait été "mutilée" par "l’aliénation coloniale" (Histoire et recherche identitaire, 2002, p. 21).

p. 12
Comme le notait l'écrivain Jean Guéhenno en 1949 : "quiconque a horreur du nationalisme, fût-il français, est peut-être autorisé à n'être pas plus tendre pour le nationalisme des peuples coloniaux" (La part de France, éd. du Mont-Blanc, 1949, p.-185-186).

p. 13-14
Simone Weil (...) : "Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu'à l'avenir. C'est une illusion dangereuse de croire qu'il y ait même là une possibilité. L'opposition entre l'avenir et le passé est absurde. L'avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien-; c'est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner, il faut posséder, et nous ne possédons d'autre vie, d'autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l'âme humaine, il n'y en a pas de plus vital que le passé. L'amour du passé n'a rien à voir avec une orientation politique réactionnaire" (L'enracinement, 1949, Gallimard-Folio, 2003, p. 70-71).

p. 18
Comme l'indiquait Michel Vovelle en 1984 dans Les lieux de mémoire : "L'ignorance croissante de la Révolution française, elle aussi évanescente dans les programmes scolaires au cours des dernières décennies, prive La Marseillaise de la référence la plus élémentaire aux événements qui lui ont donné naissance". (Les lieux de mémoire, 1. La République, éd. Gallimard-Quarto, 1997, p. 149).

p. 19
(le sentiment national) est aussi l'objet d'appropriations différenciées, non exclusives d'autres identités, mais il n’est pas "un élément identitaire parmi de nombreux autres" (G. Noiriel, À quoi sert «l'identité nationale», Agone, 2007, p. 27-28).

p. 20
Avec les historiens André Burguière et Jacques Revel, il faut donc rejeter "une explication de la nation à partir de sa seule mémoire collective et des discours successifs qu'elle a tenus sur elle-même, pour s'attacher à ce qui la définit plus profondément, c'est-à-dire souvent malgré elle" (préface à l'Histoire de la France, L'espace français, 1989, éd. Points-Seuil, 2000, p. 19).

p. 20
C'est le sens de la déclaration de Danton, le 31 mars 1794. À Robert Lindet, venu lui recommander de quitter la France pour échapper à l'arrestation, il réplique : "Partir ? Est-ce qu'on emporte sa patrie à la semelle de ses souliers ?" (Danton, Discours, éd. de l'Aire, 1983, p. 241).

p. 21
Soutenant que "l'intégration des populations issues de l'immigration a (…) peu de chances de reproduire à l'identique les modes d'action qui furent, pendant un siècle et demi, ceux du creuset français", Pierre Milza interrogeait : "devrons-nous pour autant renoncer à ce qui constitue la spécificité de notre modèle assimilationniste ?  Je ne le pense pas" ajoutait aussitôt l’historien pionnier des immigrations italiennes en France, car "le respect des cultures ne signifie pas qu'on doive laisser à chaque groupe le soin de régler ses affaires hors des règles de la République. Il existe sur ce point un accord assez général des habitants de l'Hexagone" (L'identité de la France et l'Europe, dir. Thierry de Montbrial et Sabine Jansen, éd. Bruylant, 2005, p. 62-63).

p. 21
Pour (Suzanne Citron), il faut faire droit à "l'histoire des trois quarts des Français, qu'ils soient corses, alsaciens, juifs ou arabes, petits-enfants d'immigrés et/ou d'anciens colonisés..." (Le mythe national. L'histoire de France revisitée, 1987 et 2008, p. 307 de l'éd. 2008).

p. 22
l'affaissement du discours scolaire républicain. Un discours qui privilégiait un "répertoire de valeurs et de significations partagées" (Burguière et Revel, préface à l'Histoire de la France, L'espace français, 1989, éd. Points-Seuil, 2000, p. 13).

p. 22
Loin d’avoir affaire à des élèves conditionnés par le "mythe national", ce sont des "enfants sans Histoire" qui peuplaient ses classes, comme l'académicien Alain Decaux, des universitaires et des hommes politiques, s’en inquiétèrent alors (Des enfants sans histoire. Le livre blanc de l'enseignement de l'histoire, préf. Alain Decaux, enquête de Jean-François Fayard, Perrin, 1984).

p. 23
Faute des bénéfices escomptés, cette "histoire éclatée" n'a en rien construit une "francité nouvelle, plurielle, métissée, généreuse" (Suzanne Citron). Et bien des faits divers, quelques-uns tragiques, montrent que ni la fraternité ni la "tolérance" n'en sortent renforcées (Le mythe national. L'histoire de France revisitée, 1987 et 2008, p. 307 de l'éd. 2008).

p. 23
la voix de Pierre Goubert qui assurait qu’il ne fallait pas craindre d'enseigner aux élèves, "sans fausse honte, l'histoire du pays où le hasard les a fait naître" (Des enfants sans histoire. Le livre blanc de l'enseignement de l'histoire, préf. Alain Decaux, enquête de Jean-François Fayard, Perrin, 1984, p. 16).

p. 23-24
Fernand Braudel lui-même avait exposé ses inquiétudes à propos du mot "multi-culturel" : "S'il signifie que plusieurs cultures bavardent ensemble et échangent leurs biens, je suis en faveur du multi-culturel. Mais s'il signifie une culture qui éclate dans toutes les directions pour donner satisfaction aux uns et aux autres, alors je suis contre" (Une leçon d'histoire de Fernand Braudel, journées de Châteauvallon, Arthaud-Flammarion, 1986, p. 167).

p. 24
En octobre 1939, l'écrivain Jean Paulhan invitait déjà à "réapprendre la France". Il fallait de l’audace, alors, pour formuler une telle incitation, comme son fils, Jean-Kelly Paulhan, le rappelle : "Avant la défaite de 1940 : oser la «Patrie», la nommer, à plus forte raison l'exalter apparaissait non pas incompréhensible, mais impossible, odieux ; c'était donner l'impression de faire allégeance au nationalisme, jugé responsable de la Grande Guerre, se ranger dans les rangs d'une droite conservatrice qui avait fini par monopoliser la Patrie, comme si elle avait été seule à même de la comprendre, de l'assumer, de la défendre" (avant-propos au Journal des années noires, 1940-1944 de Jean Guéhenno, Gallimard-Folio, 2002, p. IV).

p. 25
(la romancière et conservateur aux Archives nationales, Édith Thomas) avait imaginé, en juillet 1940, avant le vote des pouvoirs constituants au maréchal Pétain, ce qu'un homme "assez courageux" aurait pu dire à l'Assemblée nationale : "Après aujourd'hui le silence retombe comme une dalle funéraire sur ce qui fut jadis la France. J'entends par là ce que fut la France dans le monde : le pays de Montaigne, et de Descartes, le pays de Voltaire et de la Révolution, la dispensatrice des mots magnifiques que nous croyions naïvement au devenir éternel : la liberté, l'égalité, la justice et la fraternité" (Pages de journal, 1939-1944, éd. Viviane Hamy, 1995, p. 80).

p. 26
Le 29 juin 1940, (Édith Thomas) note : "J'ai vu hier les premiers soldats allemands. Le sentiment qui domine, c'est la haine (…) celle que j'éprouve pour tout uniforme, pour toute autorité de mon propre pays (…) Dans tout cela, en tout cas, très peu de résidu national". Cinq mois plus tard, le 21 novembre, le propos est tout différent : "Je deviens chauvine et cocardière. Hier sur le quai, j'ai aperçu un soldat français en uniforme avec un brassard de la Croix-Rouge (…) J'ai eu envie de lui dire : Si vous saviez comme je suis contente de vous voir" (Pages de journal, 1939-1944, éd. Viviane Hamy, 1995, p.-78-79 et 109).

p. 27
Dans un texte de 1942, qui résonne des fusillades de la clairière de Châteaubriand, Louis Aragon débute ainsi Les enfants de France : "Dans Paris bâillonné, le 11 novembre 1940, moins de cinq mois après qu'un maréchal de France eut proclamé que la Patrie avait touché la terre des épaules, les étudiants descendirent dans la rue, et leur jeune voix retentit si haut que la France tout entière l'entendit et cessa de croire à la défaite. Les étudiants de Paris sont les fils de toute la France, l'espoir spirituel de la Nation" (cité dans La Résistance et ses poètes (France 1940/1945), Pierre Seghers, éd. Seghers, 2004, p. 144).

p. 27-28
Dans cette concurrence des symboles, Aragon avait choisi le combat. Il présente au philosophe communiste Georges Politzer – fusillé par les nazis en mai 1942 au Mont-Valérien – sa tentative de "réclamer notre héritage à la fois de l'histoire et des légendes (…) pour se faire entendre des Français".
"J'expliquai à Politzer le fond de ma pensée : aux mythes de la race, opposer les images de la Nation (…) au sens initial français du mot, qui ne préjuge pas de l'emploi nazi des mythes". Pour l'écrivain communiste "les mythes remis sur leurs pieds ont force non seulement de faire rêver, mais de faire agir, de donner à l'action et aux songeries de chez nous cette cohésion cette unité qui paraissaient alors, en 1941, si hautement désirables. Voilà ce que je dis à Politzer, et que Politzer approuva" (Aragon, La Diane française, suivi de En étrange pays dans mon pays lui-même, 1945, éd. Seghers, 2006, p. 92-93).



(...)

p. 189
Quelle meilleure défense de l'identité nationale que celle prononcée par l'historien britannique Theodore Zeldin dans son Histoire des passions françaises : "Aucune nation, aucune démocratie ne peut écrire sa propre histoire sans reconnaître à la France une dette ou une influence directe. L’histoire de France aura toujours un sens pour l’histoire universelle". Avons-nous le droit de renier cette identité ? (Histoire des passions françaises, 1848-1945, tome 5, Anxiété et hypocrisie, p. 446).






à suivre...

voir aussi : ** index des noms propres cités dans le livre **

 

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