pas réservé à la droite
Michel Onfray :
"Le débat de l'identité nationale
n'est pas
réservé à la droite"
Michel Onfray, philosophe. (AFP)
Le prochain débat annoncé par le gouvernement sera celui de l'identité nationale. L'identité française. Que l'on retrouve aujourd'hui dans l'intitulé d'un ministère. La création du ministère de l'immigration et de l'identité nationale était une des promesses de campagne de Nicolas Sarkozy. En 2007, le candidat déclarait: "Parler de l'identité nationale ne me fait pas peur", même si "pour certains c'est un gros mot. (...) Je ne veux pas laisser le monopole de la nation à l'extrême droite. Je veux parler de la nation française parce que je n'accepte pas l'image qu'en donne Jean-Marie Le Pen." Le ministère a finalement été créé le 18 mai 2007 dès le premier gouvernement Fillon sous l'intitulé complet de "ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire". L'identité nationale, une affaire politique ou philosophique ? En réclamant le débat, Eric Besson a suscité un tollé dans l'opposition qui y a vu un thème emprunté à l'extrême droite. Pour le philosophe et écrivain Michel Onfray c'est au contraire une bonne occasion de se réapproprier le débat et de dire que l'identité nationale "est une certaine conception de la République qui fait preuve d'ouverture et de solidarité".
Nouvelobs.com : Existe-t-il une identité nationale française ?
- Michel Onfray : Oui, cela me parait évident. C'est l'histoire de la
France. C'est un enjeu de société, c'est un enjeu d'histoire, c'est un
enjeu politique aussi. Je trouve cela très bien de prendre la balle au
bond et de montrer qu'il y a des définitions différentes et divergentes
de l'identité nationale. Pour moi, il y a deux façons de concevoir
l'identité. Celle de l'identité du sang, de la race et l'autre de la
raison et de l'intelligence. Donc je trouve très bien de dire ce qu'est
la France et comment elle fonctionne. Et ce n'est pas parce que la
droite et l'extrême-droite ont défini une certaine idée de l'identité
de la France, qu'il faut leur laisser dire. C'est une bonne occasion de
dire que la France c'est la Révolution française, c'est une certaine
conception de la République qui fait preuve d'ouverture, de solidarité
et de fraternité.
Que reste-t-il de cette identité nationale aujourd'hui ?
- Je crois qu'elle est mal en point parce que justement nous avons
laissé cette question-là à la droite et à l'extrême-droite. Et que la
gauche considère que le simple fait de parler d'"identité nationale",
cela revient à utiliser le langage de l'extrême-droite. Ce qui n'est
pas vrai. Quand l'Abbé Grégoire, par exemple, réfléchit au statut des
Juifs dans la France lors de la révolution française, ce n'est pas un
travail de droite. C'est plutôt un travail de gauche. Si on refuse le
débat, il n'y aura de définition que celle de l'extrême-droite,
c'est-à-dire la définition raciale.
L'État a-t-il un rôle à jouer dans la construction de l'identité nationale ?
- Non, je ne crois pas que ce soit à l'État de participer à la
construction de l'identité nationale. C'est aux partis politiques, aux
citoyens, aux philosophes, aux sociologues de faire un grand débat.
L'État peut offrir des structures symboliques, comme la Sorbonne ou le
Collège de France pour accueillir toutes les idées. Et faire se
rencontrer des personnes qui ont leur définition de l'identité
nationale. Moi, je suis preneur du débat pour montrer qu'il n'est pas
le domaine réservé de la droite.
Peut-on encadrer l'identité nationale ?
- Cela dépend de la conception qu'on a de l'identité nationale et des
personnes qui sont au pouvoir. Si vous êtes au pouvoir et que vous avez
une conception de l'identité nationale qui est raciale, voire raciste,
cela ne produira pas le même type d'effet que si vous êtes au pouvoir
avec la conception de l'identité nationale héritée des Lumières. Si Éric Besson veut un débat, je trouve qu'il a raison. Maintenant s'il
veut un débat de manière populiste en allant chercher ce qu'il a de
plus bas chez les gens en secouant le racisme qui dort en nous souvent,
effectivement cela va être problématique. S'il s'agit de prendre le
peuple à témoin pour une définition de l'identité nationale, on ne va
pas produire quelque chose de bien intelligent. Il ne s'agit pas de
dire "regardez vos viscères et dites nous ce que vous en pensez".
interview de Michel Onfray par Sarah Diffalah
mardi 27 octobre 2009 - source
NOUVELOBS.COM | 29.10.2009 | 15:26
interview de Daniel Lefeuvre, 27 octobre 2009, Le Point
INTERVIEW DE L'HISTORIEN DANIEL LEFEUVRE
"L'identité nationale est l'affaire
de tous"
propos recueillis par Chloé Durand-Parenti
Le ministre de l'Immigration Éric Besson a annoncé dimanche son intention de lancer, dès le mois de novembre, un grand débat sur l'identité nationale. Daniel Lefeuvre, professeur d'histoire à l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis et coauteur de Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?
*, répond aux questions du point.fr.
lepoint.fr : Un débat sur l'identité nationale est-il nécessaire ?
Daniel Lefeuvre :
Ce débat a lieu parce que lors des dernières élections présidentielles
les deux candidats en lice pour le second tour, Nicolas Sarkozy et
Ségolène Royal, ont tous les deux fait campagne sur cette question. La
candidate socialiste a même proposé de mettre des drapeaux tricolores à
nos fenêtres. Mais, jusque-là, il y avait beaucoup de non-dits. Le fait
qu'Éric Besson s'engage dans la clarté, que chacun puisse s'exprimer,
me semble plus sain, mieux qu'un débat larvé qui peut générer des
effets nauséabonds. Cela me paraît positif que l'État offre cet espace
de débat sur une question centrale à laquelle la France est confrontée.
Le président du MoDem François Bayrou estime
que l'identité nationale est "comme l'histoire, qu'il n'appartient pas
aux politiques de l'accaparer". Qu'en pensez-vous ?
C'est évidemment l'affaire des politiques. L'État a toujours été un des
acteurs majeurs de la construction de l'identité nationale. Celle-ci
s'est faite autour de l'État depuis le Moyen Âge, depuis les serments
de Strasbourg de 842, en passant par Philippe Auguste, Saint Louis,
Philippe Le Bel et, bien sûr, François Ier, avec l'édit de
Villers-Cotterêts 1539 qui impose le français dans les actes officiels
de la monarchie. Les historiens sont légitimes tout autant que les
syndicalistes, comme l'ensemble des citoyens. L'identité nationale est
l'affaire de tous. Il n'y a pas de raison que telle ou telle catégorie
de personnes en soit exclue.
Un tel débat a-t-il déjà été mené par le passé ?
L'histoire de France est pleine de ces débats. Cela s'est vu notamment
au moment de la Révolution française. Quand on discute de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, quand on réfléchit sur
les institutions, quand on parle abolition de l'esclavage : on débat
bien évidemment de ce sur quoi la France doit reposer et de ce qui la
constitue. De même, quand on examine plus tard la question de la
laïcité pour aboutir à la loi de 1905. Chaque fois, cela revient à
poser la question de ce qu'est la France.
Quand le ministre de l'Immigration, Éric
Besson, affirme que la burqa est "contraire aux valeurs de l'identité
nationale", on a le sentiment qu'il définit celle-ci par l'exclusion.
Cela vous choque-t-il ?
Il y a des choses qui
font partie de l'identité nationale. Il faut réaffirmer le côté positif
de celle-ci. Mais, là, on voit bien que l'on entre dans le débat
politique. En même temps, l'immense majorité des Français est hostile
au port de la burqa, non pas tant d'ailleurs pour des raisons
religieuses, mais parce que la France est historiquement le pays des
femmes, le pays de la dame, le pays de la courtoisie. Déjà au XVIIe et
au XVIIIe siècle, les voyageurs anglais étaient frappés par la place
centrale occupée par les femmes dans la civilisation française. Or, la
burqa tend au contraire à exclure les femmes. C'est pourquoi il faut
affirmer la valeur de la laïcité, créer un espace apaisé et interdire
la burqa pour qu'hommes et femmes partagent ensemble cet espace.
Qu'est-ce qui fait que l'on se sent français, notamment quand votre histoire familiale s'inscrit dans un autre pays ?
L'intérêt de l'identité nationale et de la nation française, c'est
qu'elles excluent l'identité raciale. L'identité nationale française
est ouverte. Tout le monde peut devenir français. Tout le monde a la
possibilité de participer à l'histoire de ce pays. Ce qui fait que l'on
se sent français, c'est, je crois, le fait de partager la langue et un
certain nombre de valeurs produites par l'histoire de France.
Comment expliquer que de jeunes Français
d'origine étrangère, nés sur le territoire national, ne parviennent pas
à s'approprier cette identité ?
La France
d'aujourd'hui a, en partie, renoncé à la politique d'assimilation,
héritée du volontarisme républicain de la IIIe et d'une partie de la
IVe république. On valorise le multiculturalisme, la pluralité des
identités, au lieu de valoriser l'appartenance commune.
Or, un pays qui
a du mal à être fier de lui-même, qui se délite parfois dans l'Europe,
dans le régionalisme ou dans les communautarismes, est un pays qui
attire relativement peu. Il convient toutefois de nuancer ce
diagnostic. Car, il y a beaucoup de jeunes, nés en France, de parents
ou de grands-parents venus d'ailleurs, qui sont aujourd'hui
parfaitement intégrés et porteurs de cette culture française qu'ils ont
eux-mêmes enrichie. L'identité française est un héritage
pluriséculaire, mais c'est un héritage vivant. Chaque génération
l'enrichit avec ses propres apports. Je dis bien : elle l'enrichit,
mais elle ne la refonde pas.
le domaine royal au XIe siècle : l'État a toujours été
un des
acteurs majeurs de la construction de l'identité nationale
Comment peut-on renforcer l'identité nationale ?
Le rôle de l'école me paraît tout à fait central et, notamment, la
place de la langue française, avec ses règles et avec ses contraintes.
Il faut aussi renforcer l'enseignement de la littérature et de
l'histoire. J'ai entendu Éric Besson rappeler le rôle central de
l'histoire. Dans le même temps, je m'inquiète du fait que, dans le
concours du professorat des écoles, on veuille supprimer l'histoire
comme discipline obligatoire. Il y a là quelque chose de contradictoire
dans la politique du gouvernement.
De même, la diminution des postes au
CAPES et à l'agrégation d'histoire, ou de littérature, me semble un
mauvais signal. L'assimilation doit être aussi professionnelle. Or, il
y a des discriminations à l'embauche, au logement, qui touchent
certains jeunes issus de l'immigration africaine ou nord-africaine et
qui sont contraires aux valeurs de la République, que celle-ci ne fait
pas suffisamment respecter. On a là des éléments de troubles très
forts. Enfin, il existe de véritables ghettos, à la fois sociaux et
ethniques, que la République a laissés, à tort, s'ancrer dans son
territoire.
N'est-il pas décalé de parler d'identité
nationale alors qu'on cherche à impulser une identité européenne ?
Est-ce contradictoire ?
Qu'il y ait des
fondements culturels communs dans les racines
gréco-judéo-latino-chrétiennes de l'Europe : très bien. Mais il n'y a
pas encore d'identité européenne. Peut-être que cela se fera. La nation
est un produit historique, elle peut disparaître. L'Europe est un
produit historique, elle peut se développer. Mais, pour l'instant, on
n'en est pas là. Quant aux identités régionales, elles ne sont en rien
incompatibles avec l'identité nationale. Justement, ce qui est
intéressant avec l'identité française, c'est qu'elle ne s'oppose pas
aux identités régionales, mais qu'elle les surplombe.
* Faut-il avoir honte de l'identité nationale ? de Daniel Lefeuvre et Michel Renard, paru en octobre 2008, aux éditions Larousse dans la collection "À dire vrai".
source
Jean-François Copé : "La nation se fissure en silence"
renouveler
le thème de l'identité nationale
Jean-François Copé
(...) le premier défi, celui qui sera le plus structurant, c'est la question de l'identité française. La nation se fissure en silence parce qu'il n'y a pas de discours sur l'identité. Ce thème, tel qu'il avait été traité en 2007, doit être profondément renouvelé et retravaillé.
Parce que le FN pourrait se le réapproprier ?
Il s'en est nourri, car, depuis vingt ou trente ans, nous avons
commis collectivement l'erreur de ne pas expliquer ce que cela veut
dire être français aujourd'hui. On a eu peur. On a nié l'évolution
sociologique de notre population, sur le plan de sa composition, de ses
origines, de ses pratiques religieuses, de ses modes de vie. Pendant ce
temps, la société française a continué à bouger et à se développer sans
repères.
La population issue de l'immigration de la seconde moitié du XXe siècle,
qui en est maintenant à sa troisième génération, n'a toujours pas reçu
les codes d'accès. Cela a conduit à un malentendu croissant au sein
d'une population composée de gens qui sont tous français mais qui,
parce qu'ils n'ont pas eu les repères nécessaires, ne se parlent pas,
ne s'écoutent pas, ne se respectent pas. L'insuffisance du dialogue
interreligieux en est un exemple.
Il existe depuis 2007 un ministère de l'intégration et de l'identité nationale. Il a échoué ?
C'est l'échec de trente années de politiques en ce domaine.
Comment réussir l'intégration ?
Il faut que l'on positive le fait d'être une population aussi
diverse que l'est devenue la nôtre, qu'on le vive comme une chance. Que
l'on arrête de vouloir faire croire à nos enfants que nos ancêtres
étaient tous des Gaulois. Ce qui compte, c'est que chaque Français,
quelles que soient sa date d'arrivée en France, son origine ou sa
religion, a de la valeur et apporte ce qu'il a de mieux pour notre
pays. Un exemple : au lycée, on peut choisir en option de très
nombreuses langues, mais il est quasi impossible d'apprendre l'arabe,
alors que cela pourrait être un fantastique atout économique. Résultat,
ce sont des intégristes dans des caves qui s'en chargent.
Pourquoi réclamez-vous une loi sur le port de la burqa ?
La burqa, ce sont des intégristes qui veulent tester la République.
Si on ne fait rien, on va laisser se banaliser un phénomène qui est
contraire à nos principes. La réflexion sur l'identité française est
indissociable de celle sur la place des femmes dans la société. Avec
mes collègues députés, nous prendrons dans les semaines qui viennent
des initiatives fortes sur ce sujet, notamment pour favoriser leur
promotion dans le monde économique. Notre discours doit être adossé sur
deux mots : humanité et rassemblement. Nicolas Sarkozy a une formule
pour caractériser les Français : "Ils sont monarchistes et régicides."
Il a raison, mais c'est une lecture de la société qui se réfère à 1793.
Depuis, il y a eu des vagues d'immigration, et je ne suis pas sûr que
1793 reste pour les Français la référence. (...)
Le Monde, 17 octobre 2009
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commentaire
On approuvera le constat d'une nation qui se fissure, la défaillance (mais pas l'échec total, loin de là...) dans la remise aux immigrés des "codes d'accès", la nécessité d'inculquer des "repères nécessaires". Mais la phrase qui "positive le fait d'être une population aussi
diverse" est ambiguë. Et semble inscrire en acquis ce qui était, plus haut, évoqué comme manque... La diversité n'est pas, en soi, positive. Cela dépend de la dynamique entre intégration/assimilation et diversité.
Michel Renard
1880 : première fête nationale du 14-juillet
première fête nationale du 14-juillet
Contexte historique
Instauration de la fête nationale
Devant
le renforcement de la majorité républicaine aux élections de 1879, le
royaliste Mac-Mahon, découragé, démissionne de la présidence de la
République et est remplacé par un vieux républicain modéré, Jules Grévy
(1807-1891). Désormais à toutes les commandes du pouvoir, les
républicains prennent simultanément des mesures symboliques : transfert
du siège des pouvoirs publics de Versailles (1871) à Paris (1879),
amnistie accordée aux condamnés de la Commune (10 juillet 1880),
adoption de La Marseillaise comme hymne national (1879) et du 14 juillet pour fête nationale (6 juillet 1880).
Cette
première fête nationale se veut à la mesure de l’événement, à Paris
comme en province, mais veille à ménager les opinions locales comme à
Angers, dans le Maine-et-Loire, département catholique et conservateur[1].
Le vote pour la « République » a rassemblé les partisans de la liberté
et de la laïcité qui veulent établir sans délai l’égalité par le
suffrage universel et une véritable souveraineté populaire. Cependant
la France de 1880 n’est ni unanime ni paisible, et les nouveaux
gouvernants n’affichent pas ouvertement leur doctrine : l’heure n’est
pas à la propagande, mais à l’opportunisme républicain.
Partout
le programme de la fête adopte le même rituel : concerts dans les
jardins, décoration de certaines places, illuminations, feux d’artifice
et distributions de secours aux indigents. À Paris doit dominer la
distribution des nouveaux drapeaux à l’armée, à Longchamp.
Analyse de l'image
Le 14 juillet 1880 à Paris
La
lithographie anonyme publiée à Paris s’adresse à la clientèle populaire
désireuse d’emporter un souvenir de la fête. Cet exemplaire est même
enjolivé de pastilles d’argent rehaussant les initiales républicaines.
Marianne (la République) qui préside à la cérémonie en arbore le
drapeau tricolore et l’épée, mais son bonnet phrygien orné d’une
cocarde tricolore constitue un signe plus frappant pour les
contemporains. Cet attribut révolutionnaire de la Liberté encore
officiellement interdit[2],
même si la couronne de lauriers l’atténue quelque peu, révèle l’audace
du courant radical et expressionniste qui porte alors la République
dans la capitale. À Paris, l’opinion de la rue dépasse en hardiesse les
hommes politiques : on expose la Marianne partout, sur les appuis de
fenêtre, sur les marchés, et on l’y met avec son bonnet.
La
remise des drapeaux à l’hippodrome de Longchamp a visiblement été
imaginée sans connaître le déroulement de la fête grandiose
qu’illustrera Édouard Detaille (1848-1912). La cérémonie se veut le
symbole du renouveau de l’armée française au lendemain de la guerre de
1870. Les régiments reconstitués après la chute de la Commune avaient
reçu un drapeau provisoire en 1871. Leur emblème définitif n’est choisi
qu’au début de 1879, et c’est le 14 juillet 1880 qu’ils reçoivent du
président de la République les emblèmes qui sont encore aujourd’hui
ceux de l’armée française.
Dans cette lithographie, les chefs du
gouvernement, Jules Grévy, président de la République, Léon Say
(1826-1896), du Sénat, et Léon Gambetta (1838-1882), de la Chambre (en
dehors du dais) accomplissent leur rôle de représentants de la nation
sur un mode naïf qui reflète sans doute la conception populaire du
pouvoir républicain : ni personnel, ni arbitraire, ni viager, ni
héréditaire.
Entre les nuages du ciel et ceux des canons
d’artillerie, la prise de la Bastille commémore une aurore. La date qui
vient d’être choisie pour fête nationale correspond, dans tous les
esprits, à l’événement fondateur de 1789 et non à la fête de la
Fédération nationale du 14 juillet 1790, invoquée lors des débats au
Sénat.
À gauche, le vaisseau la Loire, qui assure la
liaison maritime avec la Nouvelle-Calédonie, ramène les Communards
déportés. Le régime républicain accueille ces « absents », qui
s’étaient considérés comme l’avant-garde de la République dix ans
auparavant. Cette amnistie répond à l’action pressante menée par Victor
Hugo au Sénat[3]
et aux aspirations sociales du petit peuple de Paris : au-delà de
l’égalité, l’esprit d’humanité et de fraternité imprègne le programme
républicain.
Le 14 juillet 1880 à Angers
À Angers,
la municipalité républicaine du maire Jules Guitton a fait voter un
crédit exceptionnel dont aucun des 14-Juillet suivants n’égalera le
montant jusqu’en 1914. L’affiche imprimée en couleur à cette occasion
annonce largement les festivités placées sous l’égide de la République,
sculptée en 1876 par Angelo Francia, dont la ville d’Angers a acquis un
buste en plâtre en 1878[4].
Cette Marianne qui porte l’étoile au front et la couronne de laurier se
démarque de tout symbole révolutionnaire provocant. Au centre,
l’affiche prend tout de même soin de rappeler la réalité politique :
« La République est le gouvernement légal du pays », associant à cette
devise la mémoire de Thiers, l’ancien président républicain décédé en
1877. Elle met aussi en relief le progrès, symbolisé par le chemin de
fer et le bateau à vapeur.
Des attractions nombreuses et
diverses, identifiées au bas de l’affiche, sont proposées dans les
entrelacements de feuilles de chêne et de laurier. En fait, ce
programme reçoit quelques prudents aménagements. La revue militaire est
supprimée, l’armée ne souhaitant pas être associée à la fête ; son
approbation du régime n’est pas partout totale. Dans l’ensemble, la
fête est accueillie fraîchement, à l’exception de la brillante fête
vénitienne sur la Maine, qui remporte un grand succès.
Interprétation
Les deux visages de Marianne
La
République s’implante dans le décor et dans les mentalités. La victoire
politique déborde du domaine politico-institutionnel au domaine
quotidien et aux représentations populaires et folkloriques. Mais on ne
peut alors prévoir jusqu’à quel degré d’extension et, moins encore,
pour combien de temps.
Après quatre-vingt dix ans de
bouleversements, c’est bien au triomphe de la Révolution qu’on assiste
mais il se fait sans apparition d’images officielles de la République
ni du nouveau président Jules Grévy. L’image publiée à Paris exprime la
symbolique spontanée de la masse du parti démocratique tandis que
l’affiche d’Angers présente, sous l’égide du progrès et de la
neutralité, le programme d’une municipalité républicaine qui ménage les
divergences d’opinions.
La victoire républicaine que symbolise
la Marianne adopte un visage différent selon les contextes : à Paris,
sous le bonnet phrygien, c’est une Marianne “ de gauche ” dans laquelle
les élites ne peuvent se reconnaître, tandis qu’à Angers, l’étoile et
les lauriers ornent une Marianne “ de droite ”. Mais le contenu
subversif du bonnet s’effacera bientôt, le transformant en emblème
commun de la République.
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS
source
Faut-il jeter la nation aux orties ?
Claude Monet, Rue Montorgueil, 1878.
faut-il jeter la nation aux orties ?
Anton WAGNER
Cette peinture impressionniste de Monet convient parfaitement au sujet de ce billet qui, vous l’aurez compris à la lecture du titre, parlera de la nation et de l’identité nationale. Il sied bien plus que le tableau parfaitement contemporain d’Édouard Manet, La Rue Mosnier aux drapeaux, qui porte sur le même évènement : la clôture de l’exposition universelle organisée par la France en 1878. On verra aisément que ce tableau plus dépouillé et mélancolique que celui de Monet, n’est pas à même d’illustrer l’idée centrale de ce billet.
L’idée nationale, aujourd’hui, est une bannière en berne. À tel point que dans de nombreux milieux intellectuels et associatifs, il est devenu suspect de parler d’identité nationale ; oser affirmer l’existence d’une pareille identité serait marcher sur les pavés escarpés du nationalisme, de la xénophobie et du racisme vers l’enfer de la haine et de la guerre ; la nation serait l’anti-chambre inévitable du nationalisme maladif que l’on voit promu par tous les Le Pen de France…
C’est le constat que dressent Daniel Lefeuvre et Michel Renard dans un petit livre bien documenté, Faut-il avoir honte de l’identité nationale ?, publié dans la collection «À dire vrai» dirigée par Jacques Marseille chez Larousse. Les deux auteurs scrutent cette aversion pour la nation et la démontent point par point, montrant avec éclat que la fierté d’être Français n’est en rien un repliement sur soi, ni un mépris affiché des identités nationales étrangères.
Prise de la Bastille, tableau de Jean-Pierre Houël (1735-1813)
Les deux auteurs refondent dans le temps l’identité nationale.
Loin d’être une invention récente de la fin du XVIIIe s., du moins
en France, l’identité nationale plonge ses racines dans le Moyen
Âge. Un évènement en particulier, la guerre de Cent Ans, marque
clairement l’émergence d’une identité française qui se veut
distincte de l’Angleterre et qui s’oppose au seul principe
d’obéissance dynastique, qui aurait exigé la soumission aux
Anglais. Or, les élites politiques et sociales du royaume, comme le
peuple lui-même, rejettent très largement la domination anglaise
au motif d’une identité commune bafouée par l’envahisseur.
Si, au
moment de l’extinction des Capétiens
directs, les barons français
écartèrent la candidature du roi d’Angleterre, c’est parce qu’il
était étranger ; durant l’occupation anglaise, nombreux les
paysans qui prirent les armes pour lui résister, si bien que 90% des
exécutés par les Anglais furent des paysans de toute condition ;
ceux qui collaboraient avec les Anglais furent dénoncés comme des Français reniés, par opposition aux bons Français
qui, eux, leur résistaient. La guerre de Cent Ans est donc
l'avènement, dès les XIVe-XVe s., d’une conscience nationale en
France que l’on aurait tort de croire vivante uniquement dans les
hautes sphères éduquées et politisées de la société.
Chose ancienne, l’identité nationale n’est pas chose honteuse. Les auteurs relèvent le piquant paradoxe que, souvent, ceux qui en France contestent l’identité nationale le font au nom d’identités nationales étrangères. Ces identités nationales-là choquent bien moins leur conscience, pourquoi ce qui semble naturel dans d’autres pays, en particulier les anciennes colonies, serait-il inadmissible en France ? C’est bien une critique de la repentance qu’il faut faire ici, et qu’a déjà faite Daniel Lefeuvre dans un autre ouvrage, Pour en finir avec la repentance coloniale.
Fête de la Fédération, 14 juillet 1790
En suivant pas à pas la construction de l’identité nationale
française, en passant par sa cristallisation durant la
Révolution de 1789, et jusqu’à la définition lumineuse donnée par
Ernest Renan dans sa conférence à la Sorbonne en 1882, le livre
montre que cette construction n’a rien d’anti-humaniste. Au
contraire même, l'identité nationale française se construit sur
des valeurs universalistes, si bien que Maurice Agulhon a pu
écrire que la France est ce pays qui eut l’universel en son
particulier. En d’autres termes, défendre cette identité nationale, c’est défendre les valeurs humanistes et libérales de
1789 ; de quoi pourrait-on avoir honte, en effet ? Les auteurs ont
bien raison de rappeler que le patriotisme fut tout autant de
gauche que de droite, des gens si peu suspects d’extrémisme comme
Victor Hugo et Jean Jaurès n’avaient pas honte de se dire Français.
Même un Paul Déroulède se défiait du mot «nationalisme» et
rejetait, au sein de la Ligue des Patriotes qu’il avait fondé avec
d’autres en 1882, et à laquelle avaient adhéré des personnalités
d’horizons différents, toute référence à l’antisémitisme.
Comme le montre le livre, que ce soit en 1848 ou dans les années 1880,
les patriotes républicains ont toujours eu claire conscience de la
limite à ne pas faire franchir au nationalisme, le tempérant
toujours par un universalisme qu’ils concevaient plus comme une
continuité de l’appartenance nationale que comme une force
antagoniste. Ils firent donc la démonstration que l’on peut faire
l’expérience d’un patriotisme ouvert.
quand on réécrit Jaurès...
À propos de Jean Jaurès, Lefeuvre et Renard relèvent une erreur pour le moins cocasse d’un contempteur de l’idée nationale. Blaise Wilfert-Portal, dans un livre dénonçant Sarkozy, Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France, cite Jaurès en ces termes : «la nation porte la guerre en son sein comme la nuée porte l’orage.» Or, la citation prêtée à l’illustre socialiste est : «le capitalisme porte la guerre en son sein comme la nuée porte l’orage» ; la véritable phrase, prononcée en 1907 à l’Assemblée nationale, étant, comme souvent avec les mots d’histoire, un peu différente et plus longue : «Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage.» Cette erreur en dit long sur l’état de confusion intellectuelle de ceux qui, contre toute évidence historique, instruisent un procès à charge contre l’identité nationale – la dénonciation de La Marseillaise comme chant raciste en est un autre exemple.
On objectera le nationalisme de Barrès et de Maurras, ainsi que l’éclatement de la Grande Guerre. Mais le livre fait litière de ces accusations. La poussée nationaliste de la fin du XIXe s. se nourrit plus des imperfections institutionnelles de la IIIe République que de l’identité nationale.
Maurice Barrès fait passer une foule de préoccupations sociales avant de s’intéresser à la nation et de lui donner sa fameuse définition : la terre et les morts. Maurras, quant à lui, s’attaque bien en premier lieu à la République, pour lui préférer la monarchie ; c’est la haine de la République qui nourrit son nationalisme xénophobe et antisémite, non pas la simple identité nationale française – les auteurs auraient pu ajouter que tous les membres de l’Action française n’étaient pas antisémites, comme Jacques Bainville.
Enfin, concernant l’éclatement de la Grande Guerre, les auteurs rapportent que les peuples, en 1914, ne désiraient pas la guerre. Sans doute la conscience nationale explique-t-elle l’acceptation déterminée du conflit, mais tout autant que l’impression d’être injustement agressé par l’ennemi, sentiment assez extraordinairement ressenti par tous les peuples belligérants. Les auteurs suggèrent aussi que si la France tint sur la Marne en 1914, alors qu’elle s’effondrait en juin 1940, c’est grâce à une solide foi nationale qui fut perdue par la suite.
14 juillet 1945, place de la Bastille
J’arrête ici le recension de l’ouvrage, bien qu’il y ait beaucoup à dire encore. Je me pose beaucoup la question de la conciliation de mon libéralisme avec l’identité nationale de mon pays.
J’acquiesce au livre de Lefeuvre et Renard car il me semble plus juste intellectuellement que les sourdes menées déconstructrices des repentants. Je frémis aussi au modèle de société qu’ils veulent voir triompher : le multiculturalisme ne m’inspire rien de bon. J’ai bien conscience, également, de l’importance de l’idée nationale pour l’assimilation la plus parfaite des immigrés. Mais faut-il aller plus loin ?
Être fier de son identité française ne fait pas d’une personne un affreux xénophobe rempli de haine.
C’est sans risque excessif que l’appartenance nationale peut être célébrée comme une fête, c’est une lubie de l’esprit que de croire le contraire. Pour ce qui me concerne toutefois, à titre strictement personnel, je ne sais si je peux, en toute cohérence et dans quelle mesure, faire cohabiter cette fierté nationale avec un libéralisme qui tend à confiner à l’anarchisme.
Anton Wagner
25 avril 2009
source : carnetsliberaux.fr
endoctrinement ou civisme ?
endoctrinement fasciste ou civisme
républicain ?
Réponse à "Marmach" (forum l'Express) qui, à propos du retour des symboles républicains, écrit :
"C'est inquiétant, bientôt, on fera défiler les enfants au pas. On
créera de nouveau chants patriotiques. et les fascistes applaudiront."
Identifier toute éducation aux valeurs d'une société à de
l'endoctrinement totalitaire est un abus. Ou alors, il faut en tirer la
conclusion, et professer un anarchisme intégral, une autogestion
individuelle/communautaire des normes qui n'auront plus rien de
sociales. Le résultat, ce sera la jungle et non la vie ensemble des
citoyens d'une nation qui se reconnaissent un passé et qui se définissent un
destin.
La confusion entre propagande fasciste et civisme républicain est
insoutenable. Elle est née, on le sait bien, de la juste aversion pour
les régimes de tyrannie (fascismes, soviétisme…) mais aussi des excès de
l'individualisme démocratique apparus autour de 1968 et devenus aujourd'hui dominants dans la société en général (idéologie libérale-libertaire) comme à l'école (pédagogies non-directives) [1]. Mais, peut-on
imaginer une société sans transmission institutionnelle des valeurs qui
la fondent ?
Faire apprendre La Marseillaise à l'école ce n'est pas de la propagande, c'est enseigner l'origine de la démocratie contemporaine, c'est faire réfléchir aux conditions qui permettent aujourd'hui d'en garantir la perpétuation.
Michel Renard, professeur d'histoire,
co-auteur de Faut-il avoir honte de l'identité nationale ?
(Larousse,
2008)
[1] Les récents programmes pour l'école primaire prescrivent le retour de l'instruction civique : "(les élèves) découvrent les principes de la morale, qui peuvent être présentés sous forme de maximes illustrées et expliquées par le maître au cours de la journée (telles que “La liberté de l’un s’arrête où commence celle d’autrui”, “Ne pas faire à autrui ce que je ne voudrais pas qu’il me fasse”, etc.) et prennent conscience des notions de droit et de devoir."
Ce programme ne plaît pas
Ce programme ne plaît pas à ceux qui s'ingénient depuis trente ans à saper la légitimité de l'école qui transmettait des savoirs. Ainsi, un enseignant au lycée catholique Le Rebours à Paris, François Jarraud, reconverti dans l'animation informatique, n'est pas content : "Le retour de l'instruction civique c'est celui de la leçon de morale ou d'institutions. C'est revenir au catéchisme républicain, à l'obéissance passive, aux formes extérieures du respect. Toutes choses qui sont bonnes sans doute. Mais sont-elles suffisantes ?". Eh bien, si déjà on pouvait s'assurer de cela, ce serait un sacré progrès !
Jarraud s'entête : "L'instruction civique peut-elle former des citoyens ? Dans L'école est-elle encore le creuset de la démocratie ?, P. Perrenoud s'interroge sur la construction de la citoyenneté. «L'école ne saurait former à la démocratie et au pluralisme par des méthodes autoritaires et sectaires… Elle ne saurait avoir prise sur l'apprentissage de la citoyenneté si elle se borne à quelques cours plus ou moins convaincants sur les droits de l'Homme». C'est par l'apprentissage du débat que les élèves peuvent devenir des citoyens capables d'entrer dans la société moderne".
Que de vice dans ces raisonnements ! Oui, les méthodes "autoritaires et sectaires" ne sont pas de bonnes méthodes. Mais la parole d'autorité est une bonne parole. Surtout quand elle provient d'un adulte qu'une institution (l'université) a formé pour qu'il soit en mesure d'apprendre aux autres.
celui qui "met l'enfant debout"
En bon républicain, je ne vois pas de danger à l'inculcation des valeurs du civisme. Je dis bien "inculcation". C'est-à-dire délivrance d'un enseignement dont la valeur, aux yeus de l'élève, provient du statut de son auteur : l'instituteur, le professeur qui transmet un savoir accumulé et réfléchi par les générations antérieures, vérifié par ses pairs et ouvert à la critique publique le cas échéant. N'était-ce pas la mission de l'instituteur, celui qui "met l'enfant debout" ?
On répondra : "c'est par l'apprentissage du débat que les élèves peuvent devenir des citoyens…" Ah bon…! Et d'où vient la pertinence d'une tel énoncé ? De quoi débattre si, au préalable, on ne dispose pas de références, de connaissances…? Ce n'est plus un débat, c'est une foire d'empoigne féroce où s'affrontent les ego de gamins qui cherchent à crier plus fort que les autres. Et puis, tous n'ont pas envie de débattre... Et c'est leur droit. Les silencieux, les timides, les réservés... sont-il condamnés à ne pas être des citoyens parce qu'il ne leur dit rien de "débattre" dans une salle de classe...?
Un enseignant du primaire de la région de Toulouse, Alain Refalo, dit refuser d'appliquer les programmes qui "constituent une régression sans précédent", selon lui. La vérité, c'est qu'en partisan des pédagogies Freinet, "coopératives" et autres lubies, il ne supporte pas d'avoir à effectuer son métier. Un métier qui œuvre à "instituer l’humanité dans l’homme" comme l'écrivait François Mauriac.
Alain Refalo n'est pas un instituteur qui "résiste" et "refuse d'obéir" comme il s'auto-glorifie sans modestie. C'est tout simplement quelqu'un qui a honte de sa profession et de ses exigences, qui substitue la démagogie à la responsabilité, qui sacrifie les élèves sur l'autel de théories pédagogistes jamais soumises à confrontation ni au moindre bilan.
la négation de la culture
Alain Refalo écrit : "je refuse de m'inscrire dans la logique d'une «Instruction morale et civique» aux relents passéistes. C'est une insulte faite aux enseignants et aux élèves de penser que l'inscription d'une règle de morale au tableau, apprise par cœur par les élèves, fera changer un tant soit peu leur comportement ! Aujourd'hui, plus que jamais nous avons besoin de mettre en place dans nos classes des dispositifs qui offrent aux élèves la possibilité de se connaître, de se rencontrer, d'échanger, de se respecter. (…) La priorité aujourd'hui est d'apprendre aux élèves à se respecter, à réguler positivement les inévitables conflits du quotidien par la parole, la coopération, la médiation. Aujourd'hui, comme hier, en conscience, j'ai fait le choix d'une éducation citoyenne qui permette aux élèves de découvrir leur potentiel créatif et émotionnel au service du mieux vivre ensemble".
Voilà l'horizon de l'école réduit à l'intercommunication de quelques élèves, à l'échange de leur potentiel (?) et de leurs émotions…! Alain Refalo veut enfermer les élèves dans le ghetto de leurs affects respectifs alors que la mission de l'école est de les mettre en rapport avec la culture, avec les humanités en général, avec le patrimoine de savoirs et d'œuvres légué par la civilisation qui nous a précédés.
Les "inévitables conflits du quotidien" doivent d'abord être ordonnés par la Loi, par la règle que l'adulte impose et explique. Et non par cette espèce de psychothérapie déstructurante et inquiétante pour les jeunes élèves. Cette "éducation citoyenne", c'est tout simplement du vent, une énième resucée des pédagogies non-directives qui ont produit ces gamins inattentifs et incapables du moindre effort. La négation de la culture au profit d'un impérialisme de la psychologie et de la communication.
Michel Renard
"entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège..."
discours du transfert des cendres
de Jean Moulin
au Panthéon, 19 décembre 1964
André MALRAUX
"entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège..."
- voir la partie finale du discours d'André Malraux
Monsieur le Président de la République,
Voilà donc plus de vingt ans que Jean Moulin partit, par un temps de décembre sans doute semblable à celui-ci, pour être parachuté sur la terre de Provence, et devenir le chef d'un peuple de la nuit. Sans la cérémonie d'aujourd'hui, combien d'enfants de France sauraient son nom ? Il ne le retrouva lui-même que pour être tué ; et depuis, sont nés seize millions d'enfants...
Puissent les commémorations des deux guerres s'achever aujourd'hui par la résurrection du peuple d'ombres que cet homme anima, qu'il symbolise, et qu'il fait entrer ici comme une humble garde solennelle autour de son corps de mort. Après vingt ans, la Résistance est devenue un monde de limbes où la légende se mêle à l'organisation. Le sentiment profond, organique, millénaire, qui a pris depuis son action légendaire, voici comment je l'ai rencontré.
Dans un village de Corrèze, les Allemands avaient tué des combattants du maquis, et donné ordre au maire de les faire enterrer en secret, à l'aube. Il est d'usage, dans cette région, que chaque femme assiste aux obsèques de tout mort de son village en se tenant sur la tombe de sa propre famille. Nul ne connaissait ces morts, qui étaient des Alsaciens. Quand ils atteignirent le cimetière, portés par nos paysans sous la garde menaçante des mitraillettes allemandes, la nuit qui se retirait comme la mer laissa paraître les femmes noires de Corrèze, immobiles du haut en bas de la montagne, et attendant en silence, chacune sur la tombe des siens, l'ensevelissement des morts français. Ce sentiment qui appelle la légende sans lequel la résistance n'eut jamais existé et qui nous réunit aujourd'hui c'est peut-être simplement l'accent invincible de la fraternité.
Comment organiser cette fraternité pour en faire un combat ? On sait ce que Jean Moulin pensait de la Résistance, au moment où il partit pour Londres : «Il serait fou et criminel de ne pas utiliser, en cas d'action alliée sur le continent, ces troupes prêtes aux sacrifices les plus grands, éparses et anarchiques aujourd'hui, mais pouvant constituer demain une armée cohérente de parachutistes déjà en place, connaissant les lieux, ayant choisi leur adversaire et déterminé leur objectif».
C'était bien l'opinion du général De Gaulle. Néanmoins, lorsque, le 1er janvier 1942, Jean Moulin fut parachuté en France, la Résistance n'était encore qu'un désordre de courage : une presse clandestine, une source d'informations, une conspiration pour rassembler ces troupes qui n'existaient pas encore. Or, ces informations étaient destinées à tel ou tel allié, ces troupes se lèveraient lorsque les Alliés débarqueraient. Certes, les résistants étaient des combattants fidèles aux Alliés. Mais ils voulaient cesser d'être des Français résistants, et devenir la Résistance française.
C'est pourquoi Jean Moulin est allé à Londres. Pas seulement parce que s'y trouvaient des combattants français (qui eussent pu n'être qu'une légion), pas seulement parce qu'une partie de l'empire avait rallié la France libre. S'il venait demander au général De Gaulle de l'argent et des armes, il venait aussi lui demander «une approbation morale, des liaisons fréquentes, rapides et sûres avec lui». Le Général assumait alors le Non du premier jour ; le maintien du combat, quel qu'en fût le lieu, quelle qu'en fût la forme ; enfin, le destin de la France.
La force des appels de juin [1940] tenait moins aux «forces immenses qui n'avaient pas encore donné», qu'à : "Il faut que la France soit présente à la victoire. Alors, elle retrouvera sa liberté et sa grandeur." La France, et non telle légion de combattants français. C'était par la France libre que les résistants de Bir Hakeim se conjuguaient, formaient une France combattante restée au combat. Chaque groupe de résistants pouvait se légitimer par l'allié qui l'armait et le soutenait, voire par son seul courage ; le général de Gaulle seul pouvait appeler les mouvements de Résistance à l'union entre eux et avec tous les autres combats, car c'était à travers lui seul que la France livrait un seul combat.
C'est pourquoi - même lorsque le président Roosevelt croira assister à une rivalité de généraux ou de partis - l'armée d'Afrique, depuis la Provence jusqu'aux Vosges, combattra au nom du gaullisme comme feront les troupes du Parti communiste. C'est pourquoi Jean Moulin avait emporté, dans le double fond d'une boîte d'allumettes, la microphoto du très simple ordre suivant : «M. Moulin a pour mission de réaliser, dans la zone non directement occupée de la métropole, l'unité d'action de tous les éléments qui résistent à l'ennemi et à ses collaborateurs». Inépuisablement, il montre aux chefs des groupements le danger qu'entraînerait le déchirement de la Résistance entre des tuteurs différents. Chaque événement capital - entrée en guerre de la Russie, puis des États-Unis, débarquement en Afrique du Nord - renforce sa position.
À partir du débarquement, il devient évident que la France va redevenir un théâtre d'opérations. Mais la presse clandestine, les renseignements (même enrichis par l'action du noyautage des administrations publiques) sont à l'échelle de l'Occupation, non de la guerre. Si la Résistance sait qu'elle ne délivrera pas la France sans les Alliés, elle n'ignore plus l'aide militaire que son unité pourrait leur apporter. Elle a peu à peu appris que s'il est relativement facile de faire sauter un pont, il n'est pas moins facile de le réparer ; alors que s'il est facile à la Résistance de faire sauter deux cents ponts, il est difficile aux Allemands de les réparer à la fois. En un mot, elle sait qu'une aide efficace aux armées de débarquement est inséparable d'un plan d'ensemble. Il faut que sur toutes les routes, sur toutes les voies ferrées de France, les combattants clandestins désorganisent méthodiquement la concentration des divisions cuirassées allemandes. Et un tel plan d'ensemble ne peut être conçu, et exécuté, que par l'unité de la Résistance.
C'est à quoi Jean Moulin s'emploie jour après jour, peine après peine, un mouvement de Résistants après l'autre : «Et maintenant, essayons de calmer les colères d'en face...» Il y a, inévitablement, les problèmes de personnes ; et bien davantage, la misère de la France combattante, l'exaspérante certitude pour chaque maquis ou chaque groupe franc, d'être spolié au bénéfice d'un autre maquis ou d'un autre groupe, qu'indignent, au même moment, les mêmes illusions... Qui donc sait encore ce qu'il fallut d'acharnement pour parler le même langage à des instituteurs radicaux ou réactionnaires, des officiers réactionnaires ou libéraux, des trotskistes ou communistes retour de Moscou, tous promis à la même délivrance ou à la même prison ; ce qu'il fallut de rigueur à un ami de la République espagnole, à un ancien "préfet radical", chassé par Vichy, pour exiger d'accueillir dans le combat commun tels rescapés de la Cagoule !
Jean Moulin n'a nul besoin d'une gloire usurpée : ce n'est pas lui qui a créé Combat, Libération, Franc-tireur, c'est Frenay, d'Astier, Jean-Pierre Lévy. Ce n'est pas lui qui a créé les nombreux mouvements de la zone Nord dont l'histoire recueillera tous les noms. Ce n'est pas lui qui a fait les régiments mais c'est lui qui a fait l'armée. Il a été le Carnot de la Résistance.
Attribuer peu d'importance aux opinions dites politiques, lorsque la nation est en péril de mort - la nation, non pas un nationalisme alors écrasé sous les chars hitlériens, mais la donnée invincible et mystérieuse qui allait emplir le siècle ; penser qu'elle dominerait bientôt les doctrines totalitaires dont retentissait l'Europe ; voir dans l'unité de la Résistance le moyen capital du combat pour l'unité de la nation, c'était peut-être affirmer ce qu'on a, depuis, appelé le gaullisme. C'était certainement proclamer la survie de la France.
En février, ce laïc passionné avait établi sa liaison par radio avec Londres, dans le grenier d'un presbytère. En avril, le Service d'information et de propagande, puis le Comité général d'études étaient formés ; en septembre, le noyautage des administrations publiques. Enfin, le général de Gaulle décidait la création d'un Comité de coordination que présiderait Jean Moulin, assisté du chef de l'Armée secrète unifiée. La préhistoire avait pris fin. Coordonnateur de la Résistance en zone Sud, Jean Moulin en devenait le chef.
En janvier 1943, le Comité directeur des Mouvements unis de la Résistance (ce que, jusqu'à la Libération, nous appellerions les Murs) était créé sous sa présidence. En février, il repartait pour Londres avec le général Delestraint, chef de l'Armée secrète, et Jacques Dalsace. De ce séjour, le témoignage le plus émouvant a été donné par le colonel Passy. «Je revois Moulin, blême, saisi par l'émotion qui nous étreignait tous, se tenant à quelques pas devant le Général et celui-ci disant, presque à voix basse : “Mettez-vous au garde-à-vous”, puis : “Nous vous reconnaissons comme notre compagnon, pour la libération de la France, dans l'honneur et par la victoire”. Et pendant que de Gaulle lui donnait l'accolade, une larme, lourde de reconnaissance, de fierté, et de farouche volonté, coulait doucement le long de la joue pâle de notre camarade Moulin. Comme il avait la tête levée, nous pouvions voir encore, au travers de sa gorge, les traces du coup de rasoir qu'il s'était donné, en 40, pour éviter de céder sous les tortures de l'ennemi». Les tortures de l'ennemi... En mars, chargé de constituer et de présider le Conseil national de la Résistance, Jean Moulin monte dans l'avion qui va le parachuter au nord de Roanne.
Ce Conseil national de la Résistance, qui groupe les mouvements, les partis et les syndicats de toute la France, c'est l'unité précairement conquise, mais aussi la certitude qu'au jour du débarquement, l'armée en haillons de la Résistance attendra les divisions blindées de la Libération.
Jean Moulin en retrouve les membres, qu'il rassemblera si difficilement. Il retrouve aussi une Résistance tragiquement transformée. Celle là, elle avait combattu comme une armée, en face de la victoire, de la mort ou de la captivité. Elle commence à découvrir l'univers concentrationnaire, la certitude de la torture. Désormais elle va combattre en face de l'enfer. Ayant reçu un rapport sur les camps de concentration, il dit : «J'espère qu'ils nous fusillerons avant». Ils ne devaient pas avoir besoin de le fusiller.
La Résistance grandit, les réfractaires du travail obligatoire vont bientôt emplir nos maquis ; la Gestapo grandit aussi, la Milice est partout. C'est le temps où, dans la campagne, nous interrogeons les aboiements des chiens au fond de la nuit ; le temps où les parachutes multicolores, chargés d'armes et de cigarettes, tombent du ciel dans la lueur des feux des clairières ou des causses ; c'est le temps des caves, et de ces cris désespérés que poussent les torturés avec des voix d'enfants... La grande lutte des ténèbres a commencé.
Le 27 mai 1943, a lieu à Paris, rue du Four, la première réunion du CNR.
Jean Moulin rappelle les buts de la France libre : «Faire la guerre ; rendre la parole au peuple français ; rétablir les libertés républicaines ; travailler avec les Alliés à l'établissement d'une collaboration internationale».
Puis il donne lecture d'un message du général De Gaulle, qui fixe pour premier but au premier Conseil de la Résistance, le maintien de l'unité de cette Résistance qu'il représente.
Au péril quotidien de la vie de chacun de ses membres. Le 9 juin, le général Delestraint, chef de l'Armée secrète enfin unifiée, est pris à Paris.
Aucun successeur ne s'impose. Ce qui est fréquent dans la clandestinité : Jean Moulin aura dit maintes fois avant l'arrivée de Serreules : «Si j'étais pris, je n'aurais pas même eu le temps de mettre un adjoint au courant...» Il veut donc désigner ce successeur avec l'accord des mouvements, notamment de ceux de la zone Sud. Il rencontrera leurs délégués le 21, à Caluire.
Ils l'y attendent, en effet.
La Gestapo aussi.
La trahison joue son rôle - et le destin, qui veut qu'aux trois quarts d'heure de retard de Jean Moulin, presque toujours ponctuel, corresponde un long retard de la police allemande. Assez vite, celle-ci apprend qu'elle tient le chef de la Résistance.
En vain. Le jour où, au fort Montluc à Lyon, après l'avoir fait torturer, l'agent de la Gestapo lui tend de quoi écrire puisqu'il ne peut plus parler, Jean Moulin dessine la caricature de son bourreau. Pour la terrible suite, écoutons seulement les mots si simples de sa sœur : «Son rôle est joué, et son calvaire commence. Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, il atteint les limites de la souffrance humaine sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous».
Comprenons bien que, pendant les quelques jours où il pourrait encore parler ou écrire, le destin de la Résistance est suspendu au courage de cet homme. Comme le dit Mademoiselle Moulin, il savait tout.
Georges Bidault prendra sa succession. Mais voici la victoire de ce silence atrocement payé : le destin bascule. Chef de la Résistance martyrisé dans des caves hideuses, regarde de tes yeux disparus toutes ces femmes noires qui veillent nos compagnons : elles portent le deuil de la France, et le tien. Regarde glisser sous les chênes nains du Quercy, avec un drapeau fait de mousselines nouées, les maquis que la Gestapo ne trouvera jamais parce qu'elle ne croit qu'aux grands arbres. Regarde le prisonnier qui entre dans une villa luxueuse et se demande pourquoi on lui donne une salle de bains - il n'a pas encore entendu parler de la baignoire. Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d'ombres se lever dans la nuit de juin constellée de tortures.
[Voici le fracas des chars allemands qui remontent vers la Normandie à travers les longues plaintes des bestiaux réveillés : grâce à toi, les chars n'arriveront pas à temps. Et quand la trouée des Alliés commence, regarde, préfet, surgir dans toutes les villes de France les commissaires de la République - sauf lorsqu'on les a tués. Tu as envié, comme nous, les clochards épiques de Leclerc : regarde, combattant, tes clochards sortir à quatre pattes de leurs maquis de chênes, et arrêter avec leurs mains paysannes formées aux bazookas l'une des premières divisions cuirassées de l'empire hitlérien, la division Das Reich.]
Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit... Commémorant l'anniversaire de la Libération de Paris, je disais : «Écoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi».
L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce Chant des partisans que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de Rundstedt lancés de nouveau contre Strasbourg.
Écoute aujourd'hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le Chant du Malheur. C'est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France...
André Malraux
dernière page du discours de Malraux
Décriminaliser l'identité nationale (Mathieu Bock-Côté)
Décriminaliser l'identité nationale
Mathieu BOCK-CÔTÉ (Québec)
La question du voile ferait resurgir le «vieux fond xénophobe» des Québécois. C'est ainsi que Michèle Ouimet a réagi au débat très vif qui a suivi la récente prise de position de la Fédération des femmes du Québec sur la question.
Cette formule, aussi banale que virulente, est symptomatique du préjugé médiatique contre l'identité nationale, qui assimile systématiquement la critique du multiculturalisme à une manifestation de xénophobie, voire, de racisme.
S'il ne s'agissait que d'une déclaration un peu gauche et malheureuse, il n'y aurait nul besoin de s'y attarder. Mais tel n'est justement pas le cas tant cette formule est révélatrice de la rupture entre certaines élites et les classes moyenne et populaire autour de la question de l'identité nationale.
Au sommet de notre société, et surtout dans les milieux qui se disent évolués, le multiculturalisme a la valeur d'un dogme, d'une évidence. Au nom de la diversité, on célèbre un Québec pluriel où l'héritage historique majoritaire n'en serait plus qu'un parmi d'autres dans une nouvelle synthèse identitaire s'accomplissant dans les chartes de droits et l'universalisme progressiste qu'elles incarneraient.
Cette vision s'accompagne d'un rapport pénitentiel à l'histoire occidentale, et par là, de l'histoire québécoise. Jusqu'aux années 60, cette histoire aurait été traversée par le démon de l'intolérance, du refus de l'autre - de là le vieux fond xénophobe qu'il faudrait liquider. Mais le multiculturalisme, à la manière d'un génie rédempteur, réaffirmerait la promesse égalitaire des sociétés modernes et devrait pour cela être assimilé à une dynamique émancipatrice.
C'est à partir de cette sensibilité que l'intelligentsia se permet de disqualifier moralement ceux qui ne célèbrent pas l'avènement du multiculturalisme d'État. On l'a vu avec la controverse des accommodements raisonnables, l'immense majorité de la population entretient un rapport critique envers le multiculturalisme et souhaite une restauration de l'identité nationale comme norme d'intégration pour les nouveaux arrivants.
De ce point de vue, le Québec n'est pas une page blanche et l'intégration des immigrants à l'identité nationale relève moins des chartes de droits que de l'adhésion à une communauté de mémoire et de culture. De ce point de vue, surtout, tous les symboles religieux ne sont pas équivalents dans l'ordre symbolique et la conjugaison d'une certaine laïcité avec la défense du patrimoine historique du Québec ne doit pas être perçue comme une mesure discriminatoire envers les communautés culturelles.
La tension entre le multiculturalisme des élites et le nationalisme de sens commun des classes moyenne et populaire est constitutive de l'espace politique des sociétés contemporaines. Devant cette réalité, les élites ont deux choix. Elles peuvent reconnaître la distance exagérée de leur sensibilité idéologique avec celle de la société qu'elles prétendent éclairer et se questionner sur leurs préjugés contre l'identité nationale.
Elles peuvent aussi assimiler la persistance du sentiment national à une pathologie identitaire et en appeler, à grand renfort de politiques de «lutte au racisme» et «d'éducation à la différence», à la reconstruction multiculturelle de l'identité collective pour l'évider de son particularisme historique. C'est évidemment ce second choix qui est privilégié de manière systématique.
L'espace public québécois est enfermé dans le dispositif du politiquement correct, qui traduit systématiquement le malaise populaire devant l'enthousiasme hypermoderne des élites dans le langage de l'intolérance. Il serait temps d'assainir le langage politique pour que cesse la criminalisation de l'identité nationale. Ceux qui se réclament du multiculturalisme permettraient ainsi un débat raisonnable sur la question qui n'est quand même pas vaine ni illégitime de la perpétuation de l'identité nationale sans crier toujours à la xénophobie ou au racisme.
Mathieu Bock-Côté (Québec)
source (21 mai 2009)
- l'auteur est candidat au doctorat en sociologie à l'UQAM (université du Québec à Montréal), auteur de La dénationalisation tranquille, éd. Boréal (Québec), 2007.
avec la victoire électorale du Parti Québecois, la devise du Québec, "Je me souviens",
figure sur les plaques d'immatriculation depuis 1978
"à toutes les gloires de la nation" (Michel Renard)
exposition "La guerre sans dentelles"
quelle relecture ?
à propos de l'exposition "La guerre sans dentelles"
Michel RENARD
L'idée de cette exposition est le principe du "pendant photographique". On interroge le tableau par l'apposition d'une image qui entretient avec lui un rapport de similarité. Exemple, l'entrée d'Henri IV à Paris en 1594 et celle de De Gaulle dans cette même ville en août 1944.
Ou un rapport d'analogie comme celui qui existe entre la prise de Valenciennes par Louis XIV et la sortie des tranchées au cours de la Première Guerre mondiale : la poussée des mousquetaires dans un cas, la charge des fantassins dans l'autre.
Ou encore un rapport thématique (?) comme le parallèle entre la bataille de Friedland (1807) où l'on présente à Napoléon des prisonniers russes, un canon pris à l'adversaire et le cadavre d'un officier ennemi, et cette célèbre photo d'enfants vietnamiens courant devant des soldats américains ou sud-vietnamiens après un bombardement au napalm (8 juin 1972) : dans les eux cas, on voit une espèce d'indifférence face à la douleur Napoléon regarde ailleurs et les Gi's ne se préoccupent absolument pas des enfants.
Parvient-on, pour autant, à "interroger notre histoire et ses représentations et à se poser la question du rapport entre l’événement et l’image médiatique", comme l'ambitionnent les concepteurs de cette exposition...?
Au risque de paraître simpliste, je rappellerai ceci. L'image médiatique, tableau ou photo, doit d'abord être interrogée au regard du double événement constitué par le fait de référence (moment et circonstances historiques du sujet représenté) et le(s) fait(s) de contexte (moment de la réalisation de l'oeuvre, et moment de son usage politico-muséographique). Trois focales chronologiques en quelque sorte. Ce questionnement est la première source de "lecture" des images.
une intelligibilité encore possible ?
C'est un travail de ce genre que Joël Cornette propose aux lecteurs de son ouvrage Le roi de guerre (1993), particulièrement dans ses chapitres "Versailles, temple du roi de guerre" et "la guerre-spectacle de Louis le Grand". Le programme iconographique de la galerie des Glaces devait représenter les campagnes militaires des guerres de Dévolution et de Hollande, écrit Joël Cornette. Et Colbert recommanda de "n'y rien faire entrer qui ne fust conforme à la vérité" (p. 241)
Sous Louis-Philippe, qui fut le créateur politique de la galerie des Batailles, la relation entre l'oeuvre imaginée par l'artiste et la réalité factuelle peut être assumée explicitement par l'auteur du tableau. On sait, par exemple, que le peintre Horace Vernet refusa d'exécuter un épisode dont la réalité historique n'était pas prouvée (la présence physique du Roi lors de l'entrée dans la place-forte de Valenciennes en 1677). La charge artistique échut à Jean Alaux qui accepta de peindre la Prise de Valenciennes.
"Porter un regard plus attentif" sur les tableaux de la galerie des Batailles exigerait que le factuel auquel ils renvoient soit un minimum connu. Mais la dévaluation de l'histoire positiviste, l'anathème lancé contre le continuum chronologique, l'opprobre jetée sur l'identité nationale interdisent toute intelligibilité de ces toiles. On ne les regarde (?) plus que comme les témoins d'un imaginaire national - ce qu'elles sont aussi - en négligeant la part de réalité historique qu'elles évoquent.
Michel Renard
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relire la "galerie des Batailles"
de Versailles
au Château de Versailles
Galerie des Batailles
du 12 mai au 6 septembre 2009
Dans le cadre d’une remise en perspective du Musée de l’Histoire de France et de sa réouverture au public, l’exposition La guerre sans dentelles, présentée dans la galerie des Batailles du 12 mai au 7 septembre 2009,
confronte peintures et photographies sur le thème de l’image de guerre.
Des clichés emblématiques de la photographie de guerre et du
photojournalisme prises dans le monde entier seront confrontés aux 33
scènes de batailles de la galerie. Cette confrontation invitera le
visiteur à mener une véritable réflexion sur la force et le statut de
l’image. Existe-t-il une «vérité» photographique ? Comment l’image
devient-elle symbole et icône ? Les reconstitutions filmiques de la
peinture sont-elles plus trompeuses que nos reportages actuels ?
Ceux-ci sont-ils plus objectifs ?
La galerie des Batailles,
installée sur toute la longueur du premier étage de l’aile du Midi, est
aménagée par Louis-Philippe en 1837 lorsqu’il crée à Versailles un
musée consacré «à toutes les gloires de la France». Véritable
construction d’une identité nationale en images, les 33 tableaux qui
couvrent ses murs, commandés aux artistes les plus célèbres de
l’époque, parmi lesquels saint Louis à la Bataille de Taillebourg par Eugène Delacroix, l’Entrée d’Henri IV à Paris par François Gérard, la Bataille de Fontenoy par Horace Vernet, retracent les épisodes les plus significatifs de l’histoire militaire française, de ses victoires.
Bataille de Bouvines, 27 juillet 1214
De Tolbiac (496) à Wagram
(1809), ce parcours en images illustre les plus grands noms du passé
français mais aussi européen : Clovis, Charlemagne, Saint-Louis,
François Ier, Henri IV, Louis XIV, Napoléon, et au milieu de
tous ces personnages, l’aide apportée à l’indépendance des Etats-Unis
d’Amérique.
La galerie des Batailles montre comment une série
de sacrifices et de faits de gloire ont resserré le lien national. Les
murs sont d’ailleurs ornés des listes de chefs morts au combat. La
guerre était un moyen à l’époque de souder l’ensemble de la société
dans un projet politique commun.
Cette histoire de France est très datée et on peut se demander comment elle est perçue par un public du XXIe
siècle, de surcroît largement international. Mais, ces collections
demeurent un élément important de notre imaginaire collectif. On
retrouve cette vision irréaliste dans de nombreuses imageries
populaires, les illustrations des livres de classe, les bandes
dessinées ou encore les films.
Chaque peinture reçoit,
durant l’exposition, son pendant photographique, complémentaire ou en
opposition. Le but est d’inciter le visiteur à s’interroger et à porter
un regard beaucoup plus attentif, à enquêter (en famille, en classe, en
couple…) visuellement sur l’image. Le regard croisé entre les clichés
et les toiles donne lieu à une lecture dynamique et inédite de l’un et
l’autre des supports et de l’histoire elle-même. L’exposition tisse un
dialogue original autour d’axes thématiques, de points de rencontres,
et ainsi amène le public à une prise de conscience nouvelle de ce qu’il
regarde.
Les clichés présentés en regard des toiles marquent à la fois des temps forts de l’histoire mondiale depuis le XIXe
siècle et de l’histoire de la photographie de guerre. Faisant se
côtoyer des vues célèbres et d’autres inconnues, à chaque fois un
agrandissement «fait image» face à la peinture géante et, en vitrine,
est présentée un des premiers modes de perception de cette
photographie, tirage d’époque, parution dans un journal, carte postale,
circulation sur le Net…
Les photographies retenues balaient les XIXe, XXe et XXIe
siècles, du cliché le plus ancien (une Vue de la Bataille de Gettysburg
par Timothy O’Sullivan datée de 1863 pendant la guerre de Sécession
américaine, venue spécialement du musée George Eastman à Rochester aux
Etats-Unis), au plus récent, pris en République Centrafricaine par
Frédéric Sautereau et publié dans Le Monde 2 le 10 mars 2007.
À la diversité des époques, des lieux et des supports (Vu, Life, Paris-Match…mais aussi la bande dessinée avec Le Photographe sur l’Afghanistan)
s’ajoutent la diversité des signatures – anonymes, artistes ou grands
noms du photojournalisme comme Robert Capa, Marc Riboud, Henri
Cartier-Bresson, Don Mc Cullin, etc.
Voilà l’occasion pour
tous les publics de venir «relire» ces peintures de bataille, tout en
découvrant des aspects de l’histoire mondiale du photoreportage. Voilà
l’occasion d’inciter à regarder autrement, à interroger notre histoire
et ses représentations et à se poser la question du rapport entre
l’événement et l’image médiatique.
La Bataille d'Iéna, gagnée contre les Prussiens par l'empereur Napoléon
le 14 octobre 1806 ; elle lui ouvrit la route de Berlin
Commissaire de l'exposition
Laurent Gervereau,
historien et historien d’art, président de l’Institut des images
Catalogue de l'exposition
La Guerre sans dentelles
165 x 225 mm, broché à rabats, 128 pages, 81 illustrations
prix : 25 €
Coédition Éditions du château de Versailles/Skira-Flammarion
Informations pratiques
L’exposition sera ouverte tous les jours, sauf le lundi, de 9h à 18h30.
Tarifs : 15 € (visite du Château + exposition)
Tarif réduit : 13,50 €
«la légitimité démocratique doit d'abord exister en tant que légitimité nationale»
Bock-Côté contre les fossoyeurs
de la nation
Louis CORNELLIER (Québec)
Le jeune homme, doctorant en sociologie, préparait son coup depuis quelques années. On le voyait, l'entendait et le lisait de plus en plus souvent, sur différentes tribunes, savantes ou populaires, toujours à s'insurger contre un certain progressisme identitaire, contre le virage civique du nationalisme québécois sur la défensive. Intellectuel hyperactif se réclamant de la tradition conservatrice, au sens philosophique du terme, Mathieu Bock-Côté, notamment dans les pages de L'Action nationale, critiquait sans relâche les élites souverainistes qui avaient peur de leur ombre nationale.
refaire du souverainisme un nationalisme et du nationalisme un souverainisme
L'essai qu'il nous offre, aujourd'hui, relève du coup d'éclat. Brillant, intense et puissamment polémique, La Dénationalisation tranquille, en effet, est un ouvrage qui fera date dans l'histoire du débat sur la question nationale. Virulente charge menée contre un souverainisme dénationalisé et multiculturel, il se veut une invitation pressante à «refaire du souverainisme un nationalisme et du nationalisme un souverainisme».
Depuis 1995, écrit Bock-Côté, «les élites souverainistes sont devenues sensibles à la moindre accusation d'ethnocentrisme dans la définition du "nous" national». En 1996, la direction du PQ refusait de restaurer la Charte de la langue française et qualifiait de «radicaux» ses membres qui plaidaient dans le sens contraire. En 1999, le Bloc québécois rejetait la notion des deux peuples fondateurs, trop ethnique, culturelle et historique à son goût.
En 2000, les élites souverainistes participaient à la condamnation nationale d'un des leurs, Yves Michaud, pour des propos «au sujet du vote référendaire des minorités ethniques». L'heure était venue, écrivait l'intellectuel Claude Bariteau dans cette logique, d'en finir avec «l'orientation culturelle du projet souverainiste afin de faire disparaître les derniers irritants qu'elle véhicule eu égard à une conception civique du Québec de demain».
Mais comment, dans ces conditions, justifier la lutte souverainiste, ainsi coupée de sa mémoire et de son histoire nationale ? Le Canada ne constitue-t-il pas déjà une telle nation civique ? À cette critique, explique Bock-Côté, les élites souverainistes ont répondu par un nouvel argumentaire à saveur sociale et idéologique.
L'identité québécoise, ont-elles affirmé, repose sur des valeurs progressistes. En ce sens, «la cohabitation des deux nations n'est plus possible, l'identité nationale progressiste des Québécois entrant en contradiction avec l'identité nationale conservatrice du Canada anglais». Ce souverainisme dénationalisé, remarque Bock-Côté, «aura mis la table du souverainisme marginalisé». Plus encore, il prépare une dépression collective pour la communauté franco-québécoise en la vidant de tout projet.
Comme l'écrit Régis Debray, «pas de projet sans patrimoine commun, et pas de patrimoine commun sans volonté commune». C'est dire, précise Bock-Côté, que «la légitimité démocratique est insuffisante en elle-même et doit d'abord exister en tant que légitimité nationale». Tout projet politique, en d'autres termes, suit la reconnaissance d'une communauté nationale de mémoire et de culture qui lui donne sa cohésion. «Il faut aux hommes, écrit l'essayiste, la conviction d'appartenir à une communauté d'histoire qui leur survivra pour consentir à la décision majoritaire lorsqu'ils n'y souscrivent pas et reconnaître au-delà des divisions sociales un bien commun, un intérêt public [...].»
Autrement dit, on ne fait pas une société sur du vide historique et culturel. Sans le relais partagé de la nation, la société se délite dans une sorte de guerre civile de basse intensité, selon les mots du penseur conservateur John O'Sullivan.
le paradoxe de Gérard Bouchard
Comment, cela étant, créer de la cohésion sociale dans une société pluraliste comme le Québec d'aujourd'hui? C'est là le projet auquel s'est attelé Gérard Bouchard, il y a quelques années, c'est-à-dire, selon Bock-Côté, «préserver la possibilité d'une histoire nationale malgré l'apparition de la société des identités qui cherche à se mettre en récit». Pour ce faire, l'historien a suggéré une sorte de déconstruction de l'histoire nationale canonique visant à la décentrer par rapport à l'héritage canadien-français. Il s'agissait d'«ouvrir le cercle de la nation» pour y faire entrer ceux que la tradition avait laissés en marge. Cette réécriture de l'histoire du Québec, commente Bock-Côté, exigeait de «se trouver coupables de crimes contre l'altérité dans les pratiques de construction de la nation telles qu'on peut les retracer au long de l'histoire».
Le problème de cette démarche, explique l'essayiste, est qu'elle acquiesce à un multiculturalisme qui n'est pas tant la reconnaissance d'un fait qu'une machine de guerre idéologique, une sorte de marxisme recyclé dans le champ culturel, visant à terrasser la nation, perçue comme la cause de toutes les injustices. «L'histoire nationale et le pluralisme identitaire sont antithétiques, écrit Bock-Côté. L'historien qui endosse ce programme ne peut plus prétendre travailler à remodeler la conscience historique de son peuple, parce qu'il rejette alors l'idée nationale dans son principe même [...]. Une société dispersée n'est plus une nation, même si certains acrobates de l'esprit cherchent à tenir en équilibre deux notions faites pour entrer en conflit.» Bock-Côté emploie donc le vocabulaire bouchardien et qualifie l'historien de «penseur fragmentaire, équivoque».
Il sera encore plus sévère à l'endroit de Jocelyn Létourneau qui, selon lui, veut «penser le Québec après le nationalisme», dans une perspective non nationale, sous prétexte que «les historiens nationalistes auraient créé un imaginaire de l'échec». Les Québécois, écrit Bock-Côté, résistent à cette disqualification historiographique du fait national et ils ont raison. «Il est bien possible, ajoute-t-il, que le communautarisme franco-québécois soit moins plastique que ne le prétendent les ingénieurs identitaires.» La vérité, en cette matière, a ses droits, mais, pour parler comme Dumont, elle ne peut négliger le critère de la pertinence, et «la pertinence québécoise est une pertinence nationaliste» qui perçoit l'histoire «comme une vaste entreprise de reprise en main collective».
penser à l'abri du pluralisme
C'est ce qu'ont compris, selon Bock-Côté, des auteurs comme Pierre Duchesne, Pierre Godin, Jean-François Lisée et Normand Lester, dont les récents travaux s'inscrivent dans la tradition de l'interprétation nationaliste de notre histoire. «Une histoire biographique, précise l'essayiste, qui donne son importance aux hommes, une histoire centrée sur la question nationale, qui y voit le premier drame du récit québécois, une histoire politique, repérable à la surface du social.» Contrairement à nos historiens universitaires, ces journalistes n'auraient pas perdu la mémoire et n'hésiteraient pas, en s'inspirant de Maurice Séguin, à «penser à l'abri du pluralisme» en renouant avec le désir d'achèvement des Franco-Québécois.
Élégant styliste et penseur supérieurement intelligent, Bock-Côté, qui n'a pas 30 ans, signe ici un essai important et roboratif qui va mettre le feu aux poudres. En faisant l'impasse sur le pluralisme identitaire - il le congédie au nom «d'un gaullisme à la québécoise, existentiel et intellectuel» - et en jouant le sens commun populaire contre les élites, il s'expose en effet à une volée de bois vert. Il est capable d'en prendre.
Le Devoir, 6 et 7 octobre 2007
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