pas réservé à la droite
Michel Onfray, philosophe. (AFP)
Le prochain débat annoncé par le gouvernement sera celui de l'identité nationale. L'identité française. Que l'on retrouve aujourd'hui dans l'intitulé d'un ministère. La création du ministère de l'immigration et de l'identité nationale était une des promesses de campagne de Nicolas Sarkozy. En 2007, le candidat déclarait: "Parler de l'identité nationale ne me fait pas peur", même si "pour certains c'est un gros mot. (...) Je ne veux pas laisser le monopole de la nation à l'extrême droite. Je veux parler de la nation française parce que je n'accepte pas l'image qu'en donne Jean-Marie Le Pen." Le ministère a finalement été créé le 18 mai 2007 dès le premier gouvernement Fillon sous l'intitulé complet de "ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire". L'identité nationale, une affaire politique ou philosophique ? En réclamant le débat, Eric Besson a suscité un tollé dans l'opposition qui y a vu un thème emprunté à l'extrême droite. Pour le philosophe et écrivain Michel Onfray c'est au contraire une bonne occasion de se réapproprier le débat et de dire que l'identité nationale "est une certaine conception de la République qui fait preuve d'ouverture et de solidarité".
Nouvelobs.com : Existe-t-il une identité nationale française ?
- Michel Onfray : Oui, cela me parait évident. C'est l'histoire de la
France. C'est un enjeu de société, c'est un enjeu d'histoire, c'est un
enjeu politique aussi. Je trouve cela très bien de prendre la balle au
bond et de montrer qu'il y a des définitions différentes et divergentes
de l'identité nationale. Pour moi, il y a deux façons de concevoir
l'identité. Celle de l'identité du sang, de la race et l'autre de la
raison et de l'intelligence. Donc je trouve très bien de dire ce qu'est
la France et comment elle fonctionne. Et ce n'est pas parce que la
droite et l'extrême-droite ont défini une certaine idée de l'identité
de la France, qu'il faut leur laisser dire. C'est une bonne occasion de
dire que la France c'est la Révolution française, c'est une certaine
conception de la République qui fait preuve d'ouverture, de solidarité
et de fraternité.
Que reste-t-il de cette identité nationale aujourd'hui ?
- Je crois qu'elle est mal en point parce que justement nous avons
laissé cette question-là à la droite et à l'extrême-droite. Et que la
gauche considère que le simple fait de parler d'"identité nationale",
cela revient à utiliser le langage de l'extrême-droite. Ce qui n'est
pas vrai. Quand l'Abbé Grégoire, par exemple, réfléchit au statut des
Juifs dans la France lors de la révolution française, ce n'est pas un
travail de droite. C'est plutôt un travail de gauche. Si on refuse le
débat, il n'y aura de définition que celle de l'extrême-droite,
c'est-à-dire la définition raciale.
L'État a-t-il un rôle à jouer dans la construction de l'identité nationale ?
- Non, je ne crois pas que ce soit à l'État de participer à la
construction de l'identité nationale. C'est aux partis politiques, aux
citoyens, aux philosophes, aux sociologues de faire un grand débat.
L'État peut offrir des structures symboliques, comme la Sorbonne ou le
Collège de France pour accueillir toutes les idées. Et faire se
rencontrer des personnes qui ont leur définition de l'identité
nationale. Moi, je suis preneur du débat pour montrer qu'il n'est pas
le domaine réservé de la droite.
Peut-on encadrer l'identité nationale ?
- Cela dépend de la conception qu'on a de l'identité nationale et des
personnes qui sont au pouvoir. Si vous êtes au pouvoir et que vous avez
une conception de l'identité nationale qui est raciale, voire raciste,
cela ne produira pas le même type d'effet que si vous êtes au pouvoir
avec la conception de l'identité nationale héritée des Lumières. Si Éric Besson veut un débat, je trouve qu'il a raison. Maintenant s'il
veut un débat de manière populiste en allant chercher ce qu'il a de
plus bas chez les gens en secouant le racisme qui dort en nous souvent,
effectivement cela va être problématique. S'il s'agit de prendre le
peuple à témoin pour une définition de l'identité nationale, on ne va
pas produire quelque chose de bien intelligent. Il ne s'agit pas de
dire "regardez vos viscères et dites nous ce que vous en pensez".
interview de Michel Onfray par Sarah Diffalah
mardi 27 octobre 2009 - source
NOUVELOBS.COM | 29.10.2009 | 15:26